INTRODUCTION


Ou : La révolution invisible

Multimédia,. voici le dernier mot à la mode. Tous les supports de communication se mettent au multimédia. De la presse écrite en passant par la télévision ou la publicité. Il ne se passe pas une semaine sans qu'un magazine ou un journal n'y aille de son article sur le multimédia.

La révolution multimédia, à la différence de celles qui l'ont précédées, s'opère de façon quasi invisible. Aux débuts du XIXème siècle, il était presque impossible de passer à coté d'innovations tels que le téléphone, l'avion ou le cinéma. Il s'agissait d'objets tangibles aux atouts naturellement perceptibles. La mutation qui est en train de s'opérer est bien moins visible, car elle n'amène pas de nouveaux objets dans notre quotidien. Elle modifie les objets existants, en leur donnant des fonctions nouvelles.

Personne n'aurait pu imaginer une telle évolution. Si quelqu'un veut s'amuser à peu de frais, qu'il retrouve un livre illustré consacré au monde futur publié au cours des années 70. Il y verra des ordinateurs géants alignant des rangées de boutons clignotants. Comme cela paraît démodé aujourd'hui. Il se trouve simplement que les progrès réalisés en matière de miniaturisation et de numérique ont transcendé ce que l'on croyait possible en matière d'évolution technologique.

I - LES TECHNIQUES DU MULTIMÉDIA

Le Multimédia : Le dernier mot à la mode. Mais que regroupe exactement le terme multimédia ?

I - A - Définitions du multimédia

De fait, la révolution multimédia consiste essentiellement en la convergence de trois grandes techniques :

* L'audiovisuel (cinéma et télévision)

* L'informatique, aussi bien les micro-ordinateurs que les consoles de jeux

* Les télécommunications, que cela soit par téléphone, par réseau câblé ou par satellite.

Il y a seulement une décennie, ces trois domaines restaient autonomes. aujourd'hui ils sont étroitement liés, si bien qu'ils deviennent totalement interdépendants.

En effet, qui aurait imaginé, dans les années 60, la fabuleuse miniaturisation et la simplification de l'informatique domestique? Sans compter la montée en puissance infinie des ordinateurs.

Le grand responsable de cette mutation s'appelle le microprocesseur. Dans les années 70, la "puce" a fait son apparition,. Des sociétés comme Intel ou Motorola (les grands fournisseurs de microprocesseurs au niveau mondial) ont intégré dans une surface équivalente à une boite d'allumettes la puissance qui nécessitait dix ans plus tôt, une pièce entière.

Ainsi, la "puce" a pénétré, de façon invisible dans un grand nombre d'objets courants : machine à laver, automobile, four micro-ondes, téléphone, télévision, ascenseur... D'autres objets qui nous semblent si simples ne sont rien d'autres que des ordinateurs camouflés : le lecteur de disques laser, le Minitel, le synthétiseur des musiciens.

Dans tous ces objets, le microprocesseur traite une succession de 1 et de 0. Des dizaines de milliers de calculs s'effectuent à toute vitesse, sans que l'on s'en aperçoive. Plutôt que de parler de révolution multimédia, nous devrions utiliser l'expression "révolution numérique". Cependant, nous garderons la dénomination multimédia, plus évocatrice d'une convergence de trois techniques, l'audiovisuel, l'informatique, et les télécommunications.

Ce qui a de fabuleux, c'est que nous vivons en ce moment même, une véritable révolution, à la fois technologique, économique et culturelle.

* Le tout numérique est en train de générer un nouveau marché qui s'annonce colossal. Certains le présente comme le moteur d'une nouvelle croissance économique ces prochaines années. John Sculley, ancien patron d'Apple Computers, prévoyait en 1993 un chiffre d'affaires prévisionnel du secteur de l'ordre de 21.000 milliards de francs. A titre de comparaison, actuellement, le secteur génère un C.A de 9 milliards en 1994.

* Les États-Unis se préparent activement à numériser l'ensemble du territoire américain par le biais des fameuses "autoroutes de l'information" d'Al Gore (vice-président des États-Unis). Ces "data highways" permettrons à l'ensemble de la population d'avoir accès à des dizaines de milliers de services : éducatif, jeux, téléconférences...

* Ces mêmes américains, conscients des enjeux, forment des alliances à très grande échelle et prennent pied sur le patrimoine européen en acquérant les droits d'oeuvres d'art qu'ils pourront diffuser mondialement.

* Japonais et américains se préparent à la civilisation numérique avec l'apparition prochaines de télévision à la carte (ou "pay per view"), de consoles de jeux surpuissantes ou l'introduction de micro ordinateurs dans les foyers.

* Depuis début 1994, le gouvernement français a clairement annoncé son intention de travailler à l'instauration prochaine des "autoroutes numériques" sur l'Hexagone, et chargé Gérard Théry d'une mission de réflexion sur le sujet. A leur tour, les géants de l'audiovisuel et des télécommunications avancent leurs pions dans le grand échiquier multimédia.

Que va nous apporter la civilisation numérique au niveau personnel, familial ou social?

* la possibilité d'accès à l'information de façon aisée, libre et à domicile. Films, documentaires, dossiers seront accessibles aisément.

* Une multiplication de l'offre télévisuelle. En lieu et place des sept chaînes actuelles, nous disposerons de centaines de chaînes, avec une qualité pour l'instant encore peu accessible : haute définition du son et de l'image.

* Des outils de formation alliant le texte et l'image, dans un contexte convivial, qui permettrons un apprentissage plus attractif et donc plus aisé. A titre d'exemple, depuis que la SNCF a introduit un simulateur de conduite de locomotive à base d'images de synthèse, le taux de réussite à l'examen est passé de 50% à près de 100%, par le simple fait de passer de cours magistraux à des simulations.

* Une grande facilité de communication avec n'importe qui n'importe où, par le biais des téléphones portables, assistants personnels, messageries. Sur les serveurs Internet ou CompuServe, il est aujourd'hui possible de converser avec des usagers du monde entier, sur des sujets les plus variés, des plus triviaux aux plus techniques.

* De nouvelles formes d'art et de techniques artistiques. Grâce aux images de synthèse et à la télécommunication, deux artistes situés à des milliers de kilomètres peuvent travailler sur la même base, tableau ou maquette. L'informatique musicale amène de nouveaux sons et nouvelles formes esthétiques, telles le New Age. La société Gribouille, située à Aix-en-Provence a récemment travaillé sur un long métrage totalement réalisé en images de synthèse, avec un clone de Richard Bohringer.

* La possibilité d'expérimenter des sensations nouvelles et parfois jusqu'alors inaccessibles. La réalité virtuelle permettra de visiter des sites qui n'existent pas ou plus, ou qui sont situés de l'autre coté de la planète. Elle permettra également la rencontre virtuelle des personnes...

* Une révolution dans le travail, avec la possibilité de travailler à domicile tout en restant en contact avec l'entreprise, ou la possibilité de réunir des personnes éloignées pour une conférence ou une formation. Nous sommes dans le monde du télétravail, ou de la visioconférence et du télé-enseignement. Des intervenants de très haut niveau pourront donner une conférence à un groupe d'universités européennes en une seule fois et en direct, grâce au télé-enseignement. Imaginons un instant une alliance des écoles de commerce du groupe Ecricome reliées par satellite à un studio de diffusion où le PD-G d'une multinationale viendrait parler de stratégie à l'ensemble des élèves des 5 écoles, en direct, et avec possibilité d'intervenir par des questions.

Dans un autre ordre d'idées, les catalogues des sociétés sur CD-Rom se multiplient, les formations sur CD-Rom apparaissent, et ainsi, la société Clyms Aircraft, qui a réalisé un CD-Rom pour la formation des clients à l'installation d'outils et pièces aéronautiques a vu le nombre d'appels téléphoniques au service de la maintenance baisser de moitié.

* Les compétences médicales de haut niveau seront à disposition d'un plus grand nombre grâce au télédiagnostic. Le Water Reed Army Medical Center de Washington expérimente un système de soins à distance grâce à des capteurs placés sur le corps du blessé. Un spécialiste indiquera alors les soins à apporter au patient.

* La possibilité de protéger notre environnement. En lieu et place des actuelles expérimentations, des simulations sur ordinateurs permettront d'éviter des simulations nuisibles pour l'environnement, tels les essais nucléaires, comme le préconisait le Livre Blanc sur la défense publié en décembre 1993 par Monsieur Rémi Galy-Dejan. Seul obstacle actuel, le manque de puissance de calcul, qui devrait être environ 50 fois supérieur aux plus gros calculateurs actuels.

Cette énumération des possibilités d'exploitation des outils multimédias est loin d'être exhaustive. Comme le disait John Sculley, "les futures ressources viendront de nos esprits". La révolution multimédia est en marche, c'est à nous d'en inventer les applications de demain.

Mais avant de parler de la révolution multimédia elle même, voyons les outils et techniques actuels et futurs du multimédia.

I - B - Les techniques actuelles

Comme nous l'avons vu, le multimédia englobe trois techniques : l'audiovisuel, l'informatique et les télécommunications. Même si ces trois techniques sont d'ores et déjà étroitement liées, les applications sont encore liées au média lui-même. Nous visiterons donc le monde de la technique multimédia à travers trois grands axes : la télévision, l'ordinateur, et les télécommunications/réseau, en sachant que, encore une fois, les frontières sont parfois floues.

I - B - 1 - La télévision interactive et la télévision numérique.

Par l'intermédiaire du câble et des satellites et de la technologie numérique, d'immenses quantités d'images seront bientôt disponibles dans chaque foyer.

Une offre multipliée

Le futur paysage audiovisuel est caractérisé par une multiplication exponentielle de l'offre de programmes. Mais cette diversité sera renforcée par l'interactivité de ces programmes. L'interactivité n'est pas nouvelle en soi, les jeux vidéo nous avaient habitués à des scénarios adaptés en fonction des réactions du joueur. L'interactivité dans son téléviseur est, elle, tout à fait nouvelle.

La clé de cette interactivité est un boîtier qui nous permet de naviguer dans le flot de programmes. Il suffit, comme sur un ordinateur, de pointer une image pour indiquer ce que l'on désire. Cette télécommande intelligente nous permet de puiser dans un catalogue d'offre; qui peut aller de la filmothèque de la Paramount, en passant par les documentaires du Commandant Cousteau jusqu'au télé-achat ou des jeux vidéo.

Le magnétoscope deviendra obsolète puisque nous auront la possibilité de visionner le film désiré au moment désiré. Trois applications semblent être appelées à dominer : la vidéo à la demande, le télé-achat, et les jeux vidéos.

Mais certains réfutent cette vision et pensent que les chaînes classiques continueront d'émettre des programmes prédéterminés, ainsi que le pense Mr Olafson, président de Sony Electronic Publishing aux USA. La mutidiffusion sur des chaînes parallèles à des horaires différents permet de toucher le plus grand nombre.

Le numérique permet également de suivre plusieurs programmes à la fois, grâce à la technologie déjà existante du PIP (Picture In Picture), qui incruste dans un coin de l'écran l'image d'un programme différent de celui que vous suivez.

La télevision du libre choix

La nouvelle télévision, c'est celle du libre choix des programmes. Les programmes eux même en seront modifiés. Une expérimentation a lieu au Canada, où les téléspectateurs ont la possibilité d'interagir sur les programmes. Par exemple, lors d'un match de football, le téléspectateur a la possibilité de choisir l'angle de prise de vue.

Il y a mieux encore, car Hollywood projette de créer de nouveaux types de films où le scénario variera selon les désirs du spectateur.

Parallèlement à cette offre cinématographique, va également se développer la notion de jeux vidéos interactifs, où des joueurs séparés par des milliers de kilomètres joueront ensemble dans le même jeu. Ou encore l'idée de Minitel amélioré, où, dans un contexte beaucoup plus convivial (couleurs, menus intuitifs), nous pourront vendre, acheter, louer, réserver, ou chercher un renseignement avec une facilité d'utilisation encore inconnue. Enfin, le système de messagerie permettra aux abonnés du câble de transmettre et de recevoir des images et du son depuis son domicile. Cet aspect de la nouvelle télévision laisse la porte grande ouverte à une multitudes de services de type messagerie ou vidéoconférence.

Enfin, la publicité elle aussi sera interactive. Ce dernier modèle de voiture vous intéresse? Demandez par le biais de votre télécommande les informations factuelles concernant ce véhicule : ses performances, sa consommation, les tons de carrosseries disponibles, les possibilités de crédit...

Le pendant de cette multitude de programmes, d'informations, c'est qu'ils seront bien évidemment payants. A chaque sélection de service, c'est votre compte bancaire qui sera automatiquement débité.

La télévision par satellite et la télévision par câble

Deux types de télévisions numériques cohabiteront. La télévision par satellite, et celle par câble. Seule cette dernière permettra une véritable interactivité. En effet, des contraintes techniques interviennent à ce niveau.

La télévision "classique", celle que nous recevront aujourd'hui sur notre téléviseur, repose sur l'émission d'ondes hertziennes, reçus par une antenne. Les programmes sont immuables, tout le monde reçoit en même temps les mêmes émissions.

Le numérique, lui, repose sur le codage sous forme de 0 et de 1 (appelés en informatique, "bits") du programme. Des milliards de bits voyagent donc de l'émetteur vers le récepteur chaque seconde.

Dans le cas d'une retransmission par satellite, vous ne pouvez que recevoir les bits, sans pouvoir en émettre par vous même. Votre système d'antenne ne peut que recevoir les programmes.

Par contre, le câble permet ce retour d'informations vers l'émetteur que nécessite la télévision interactive. Ainsi, lorsque vous consultez le catalogue de Vente par Correspondance sur votre téléviseur, à chaque fois que vous demandez un renseignement, vous émettez vous aussi une information de type numérique.

Cette télévision interactive par le câble est long et coûteux à mettre en place, car seule la fibre optique est capable de transmettre un tel débit de bits.

Diverses expériences de télévision numérique existent.

L'exemple de Direct-TV
Aux États-Unis, une offre satellite nommée Direct TV propose aux abonnés un bouquet de chaînes toutes numériques : CNN (informations), Discovery Channel (documentaires), Movie Channel, et l'accès à des filmothèques de plusieurs grands studios hollywoodiens.

L'expérience d'Orlando
Toujours aux États-Unis, à Orlando, une expérience grandeur nature (4000 foyers) de télévision interactive a été lancée fin 1993. C'est la Time Warner qui est à l'origine du projet, associé avec la société Sillicon Graphics pour la partie stockage informatique des films, et AT&T pour le réseau câblé.

Time Warner entendait développer quatre fonctions essentielles :

* L'accès à l'immense catalogue de films Warner (vidéo à la demande)

* Des programmes de télé-achat

* Des jeux vidéos permettant à plusieurs participants distants de jouer ensemble

La grande difficulté fût de faire tenir une telle masse d'informations sur des serveurs informatique. De plus, il fallait que le serveur soit assez rapide pour réagir aux sollicitations de l'utilisateur. Le développement d'une telle machine a coûté plus d'un milliard de dollars à Sillicon Graphics. Pavan Nigam, de Sillicon Graphics, nous explique les principaux obstacles rencontrés.

<<Sur la télévision sous sa forme actuelle, le changement de programme est immédiat. De ce fait, les téléspectateurs ne sont pas prêts à supporter des attentes de plus de quelques secondes. Or, sur un micro-ordinateur, il est long de passer d'une application à l'autre. Notre objectif est d'arriver à une transition s'opérant en 30 milli-secondes>> Le serveur de Sillicon Graphics doit notamment pouvoir faire face aux situations extrêmes. Lors de la mi-temps d'un match de football, ce sont des milliers de foyers qui zappent à tout va. Le serveur doit être en mesure de répondre à toutes ces sollicitations sans défaillir. Dans un contexte numérique, cela veut dire que le serveur doit pouvoir absorber des pointes gigantesques dans le débit d'informations. Qui plus est, le service doit pouvoir émuler les fonctionnalités d'un magnétoscope, à savoir le ralenti, la pause, le retour en avant/arrière... Tout cela engendre un débit d'information encore plus important.

En attendant la résolution de ces problèmes, le lancement grandeur nature d'une tel système a été reporté à fin 1995-début 1996. Time Warner prévoit ensuite une montée en flèche du système : 80% de ses 7,8 millions d'abonnés devraient passer à la télévision interactive.

Les techniques de compactage et de compression

Nous avons vu que l'un des problèmes de Sillicon Graphics réside dans le stockage des données. En effet, numériser de la vidéo n'est pas simple. Les images sont extrêmement gourmandes en ressources d'ordinateurs. Chaque point de l'image, ou "pixel", est enregistré, sa couleur, sa luminosité sont inscrits dans l'ordinateur. Dans le cas d'une diffusion en haute définition (1200 lignes de définition, en lieur de 625 actuellement en France), la somme d'information revient à un volume de plus d'un milliard de bit par seconde de film.

Une première solution à ce problème de stockage consiste à effectuer un compactage des données de l'image numérique. En fait, on n'enregistre que la succession de 0 et de 1 nécessaires à la restitution de l'image. Si un personnage est adosse à un mur blanc, il ne sera pas nécessaire de coder tout le mur, mais dire que la surface blanche commence à tel endroit pour se terminer à tel autre endroit.

La deuxième solution se nomme la compression. Elle part du principe que l'on peut éliminer les informations qui ne sont pas visibles par l'oeil humain. L'image compressée n'est pas fidèle à l'original (contrairement à l'image compactée), mais le spectateur ne voit pas de différence. Dans le cas d'images animées, il est possible d'éliminer de 10 à 90% de l'information en jouant sur le fait que l'oeil s'avère moins sensible aux variations de couleurs (chrominance) qu'aux variations d'intensité lumineuse (luminance).

deus normes de compression ont été établies : la MPEG-1, qui suppose un débit de 1,5 millions de bits par seconde, ce qui donne une qualité équivalente au VHS. L'autre norme, la MPEG-2, permet un débit 3 à 6 fois plus important, permettant une qualité d'image "broadcast", c'est à dire répondant aux normes de qualité de diffusion des chaînes TV. Cette norme a d'ailleurs été retenue pour la télévision numérique.

I - B - 2 - Le micro-ordinateur

L'ordinateur a eu et garde encore l'image d'un instrument réservé aux spécialistes. Contrairement à un aspirateur, un téléviseur ou un lecteur de cassettes, l'ordinateur ne peut être compris en quelques secondes. Il traîne derrière lui un passé d'appareil complexe, aux messages sibyllins.

L'épopée du micro domestique

Qui d'autre qu'une poignée de mordus voudrait s'embarrasser de machines aussi peu sociables?

Et bien, pour la première fois en 1993, les mordus de micro-ordinateurs ont été plus nombreux que les mordus d'automobiles. Il s'est vendu 40 millions de machines, dont huit millions par des particuliers. Mille cinq cents milliards de Francs, c'est le C.A. de la micro-informatique, soit plus que le budget de la France.

Le micro s'est installé chez le particulier de façon anodine. Le cadre débordé qui entreprend l'achat d'une ordinateur afin de pouvoir travailler à la maison a été à l'initiative de l'engouement du grand public pour la micro-informatique.

La guerre des prix a alors commencé. Des appareils jusqu'alors inaccessibles sont devenus soudain abordables. Un PC de 50.000 Francs en 1990 n'en coûte plus que 5.000 en 1994! Un ordinateur multimédia coûte aujourd'hui environ 10.000 Francs. Tout cela dans un contexte de puissance toujours supérieure.

Parallèlement, les programmes eux aussi se sont démocratisés, en devenant plus simples d'utilisation, grâce notamment à une approche plus intuitive de l'ordinateur, initiée par Apple, avec sa gamme Macintosh, qui pour la première fois, a instauré un système de représentation par images (ou icônes) que l'on sélectionne grâce à une souris. Windows aujourd'hui est le pendant sur PC du système MacOs d'Apple.

Résultat de cette démocratisation : 27% des foyers américains étaient équipés d'un micro-ordinateur en 1993, et 7,4% des foyers Français.

Les constructeurs ne s'y sont pas trompés, et les grandes marques, jusque là cantonnées dans le monde feutré des professionnels s'est attaqué au marché du grand public avec des gammes spécifiques, comme L'Aptiva d'IBM, ou la gamme Presario de Compaq.

Eckhard Pfeiffer, Président de Compaq, prévoit que les ventes de micro-ordinateurs grand public représenteront 75% du chiffre d'affaires de la micro en l'an 2000. Un des moteurs de cette fulgurante progression, c'est le CD-Rom, qui transforme l'ordinateur en une machine de divertissement, de spectacle et de découverte.

Le CD-Rom

Le CD-Rom désigne un disque de 12 centimètres de diamètre, qui ressemble a s'y méprendre à un CD musical. Toutefois, il permet de stocker et de restituer non seulement du son, mais également de l'image fixe ou animée, et du texte.

Le CD-Rom est le mariage de l'audiovisuel et de l'ordinateur, et crée des applications dites multimédia.

Si le CD-Rom apparaît comme le support privilégié des applications multimédia, c'est en raison de sa capacité de stockage : 650 Méga-octets. C'est suffisant pour engranger l'équivalent d'une encyclopédie entière, images, séquences vidéo et son à l'appui.

L'offre CD-Rom est aujourd'hui immense, avec des milliers de titres disponibles, couvrant les domaines de la connaissance (encyclopédies...), du jeu, ou de la base de données.

Le frein à son développement immédiat est que le parc existant de micros n'est pas toujours en mesure d'exploiter les CD-Rom. En plus du lecteur CD lui-même, il faut à l'ordinateur une carte son, de hauts parleurs, et d'un écran capable d'afficher des milliers de couleurs. Enfin, il faut que l'ordinateur possède une certaine puissance et une capacité de mémoire suffisante.

Mais en dehors des applications domestiques, le CD-Rom a de beaux jours également dans l'entreprise. Des bases de données sont de plus en plus archivées sur CD-Rom : Les données sont regroupées sur un seul support qui peut contenir une grande quantité d'informations, et l'accès à ces informations est quasi-immédiate. Ainsi, le Vidal, la célèbre bible du médecin, peut se trouver sur CD-Rom, et le praticien informatisé possédera une aide à la prescription, en évitant les incompatibilités entre médicaments. Les entreprises utilisent également le CD-Rom comme catalogue de leurs prestations. En 1993, une chaîne de magasins de meubles américaine s'est équipé de CD-Roms de vente de canapés assistée par ordinateur. Après avoir sélectionné l'ossature du siège, il suffit de plaquer les différentes textures (tissus, cuirs...) pour avoir une idée très précise de résultat final. Il est facile d'imaginer un tel concept pour la vente de produits de tout genre.

Enfin, l'entreprise utilise également le CD-Rom comme outil de formation.

Comme nous l'avons vu plus haut, des applications de ce genre existent déjà dans l'aéronautique.

I - B - 3 - Les réseaux, les télécommunications

Troisième volet de ce survol des technologies multimédia, les réseaux et les télécommunications sont partie intégrante du multimédia, à plus de titres qu'il n'y parait au premier abord.

Le Minitel Français

Rappelons qu'en France, l'ordinateur est entré dans les foyers par le Minitel. En effet, qu'est ce que le Minitel, sinon un terminal d'ordinateur relié à un réseau par un modem? Le Minitel, en dépit de sa lenteur et de son écran frustre, a eu le mérite d'introduire le concept d'autoroutes de l'information dans les intérieurs Français, même si cette autoroute ressemble plus à un chemin vicinal qu'à une "Highway" américaine. Des millions de Français se sont habitués à consulter un service, qu'il s'agisse de l'annuaire, des horaires de train, ou des messageries "rose".

En 1993, 6,5 millions de foyers possédaient un Minitel, et France Télécom a enregistré 89 millions d'heures de connexion. dans la plupart des pays du monde, le grand public n'a pas bénéficié d'un tel service. Seuls les possesseurs d'ordinateurs équipés de modems ont pu accéder à des serveurs d'information. Ce qui représentait pour eux une faiblesse à l'origine, s'est transformé en avantage.

Les réseaux aux États-Unis

Plusieurs réseaux analogues au Minitel se sont développés aux USA: Progidy, CompuServe, Internet... Ils comptent aujourd'hui des centaines de milliers d'utilisateurs. Dans le cas d'Internet, le nombre de connectés serait de 15 à 20 millions.

Ces serveurs abritent une multitude de services, des "forums" (groupe de discussion autour d'un sujet donné), de messagerie "E-mail", ou de messagerie en direct "IRC" (Internet Relay Chatting), voire de rapatriement de fichiers ou de programmes "FTP" (File transfert Protocol). Enfin, des serveurs d'informations existent également, par des programmes nommés Gopher ou Mosaic. Mosaic est le apprécié des "netters" car il offre une interface graphique attrayante et intuitive.

La navigation dans l'information se fait par mots clés et non plus par adresses de serveur. Le principe est celui de "liens hypertextes". Imaginez un écran où du texte, des images et des sons sont mêlés, et dont les mots-clés sont écrits en bleu. Si vous cliquez sur un de ces mots-clés, le serveur vous connecte à un autre serveur qui se rapporte à ce mot-clé. Aujourd'hui, toutes les sociétés américaines importantes possèdent leur serveur Mosaic (aussi nommé WWW, ou WorldWide Web). En France, se sont principalement les universités scientifiques et les écoles d'ingénieurs qui développent ce genre de serveur. Le serveur Français le plus connu s'appelle de WebLouvre, et a été développé par un élève de Centrale Paris. Ce serveur propose de visiter "virtuellement" le Musée du Louvre et certains hauts lieux de la vie parisienne. Symptomatique de l'hégémonie de l'anglais sur les réseaux, ce serveur est entièrement en anglais.

Les techniques de communication

Le développement des réseaux se fera par l'amélioration des techniques de transfert des données, et donc par l'amélioration des supports physiques : câbles et commutateurs. Depuis la première liaison téléphonique en 1876, nous utilisons les câbles de cuivre. mais la gamme des supports s'est tout de même diversifiée. Les câbles coaxiaux ont fait leur apparition dans les années 1920-30, les satellites dans les années 60, et la fibre optique en France en 1989.

Les câbles coaxiaux ont constitué le support privilégié des transmissions inter-urbaines jusqu'à l'arrivée de la fibre optique. Dans la fibre optique, les signaux lumineux remplacent les impulsions électriques, les premiers pouvant circuler sur de longues distances sans devoir être ré-amplifiés ni régénérés. La combinaison de la fibre optique avec les techniques comme la transmission hiérarchique numérique synchrone et de commutation comme le mode de transfert asynchrone (technologie dite "ATM") permet des débits de près de 2 gigabits par seconde.

La commutation

Expliquons ce qu'est la commutation en quelques mots. La commutation évite tout simplement que chaque téléphone soit connecté directement à tous les téléphones de la planète avec un câble pour chaque poste. Les progrès électroniques et informatiques ont permis aux centraux téléphoniques de dépasser les premières fonctions d'acheminement et d'aiguillage pour lesquelles ils étaient destinés. En rendant les commutateurs "intelligents", les logiciels leur donnent la capacité de gérer tous les signaux, quelle que soit leur forme (voix, texte, ou bits informatiques). Il existe plusieurs types de commutations : la commutation de circuit est adaptée à la voix, la commutation de caractères est adaptées aux télex, et la commutation de paquets est adaptée aux données informatiques. Les commutateurs sont donc spécialisés. La technologie ATM, elle, permet de fédérer ses différentes techniques.

Couplé au réseau numérique (RNIS), la technologie ATM permet des taux de transferts supérieurs. Là où il faut 30 mn pour télécharger une photo de très haute résolution sur le RNIS, il suffit de 4 secondes en mode ATM.

II - CULTURE

Quelles sont les caractéristiques de la révolution "cyber-culturelle" et quels risques fait-elle courir ?

En 1933, un article de Stuart Chase : "A vision in a kilowatt" paru dans Fortune disait : "L'électricité peut nous donner de façon universelle un niveau de vie élevé, de nouveaux métiers divertissants, des loisirs, la liberté et la fin de la pénibilité du travail, des embouteillages, du bruit, de la fumée et des ordures". On mesure aujourd'hui toute la justesse de cette opinion très visionnaire !!

De nos jours, les discours n'ont pas fondamentalement changé, et l'arrivée du Multimédia est le plus souvent annoncée comme un bouleversement technologique et culturel, qui s'apprête à transformer notre vie. Des propos "électoralistes" lui donnent même le pouvoir de rétablir la croissance économique, grâce à une relance néo-keynésienne. Le Multimédia arrive alors au secours de l'économie et du chômage !

Le Multimédia interpelle aussi le grand public à l'aide de nombreux clichés, qui nous poussent à avoir une opinion sur ce nouveau moyen de communication sans savoir véritablement ce qu'il en est. Il est le plus souvent présenté comme une sorte de baguette magique, qui procure à son utilisateur des dons d'ubiquité et de globalité (le monde entier est derrière notre clavier), et qui nous affranchit des contingences de temps ou d'espace (grâce au "Netsurfing" sur WWW par exemple).

Ainsi, le Multimédia suscite l'admiration lorsqu'il séduit, et déchaîne les passions lorsqu'il fait peur. Il faut arrêter de le présenter comme la solution à tous nos problèmes, car il décevra forcement (puisqu'on lui accorde des pouvoirs qu'il n'a pas). Il ne faut pas le condamner ni le refuser car il s'imposera inévitablement de lui même.

Oublions alors tous les fantasmes qui l'accompagne pour nous plonger dans ce qui fait sa vérité, son utilisation quotidienne. Plutôt que de le juger, cherchons à comprendre ce qu'il est en train fondamentalement changer petit à petit, et les problèmes que cela pose.

II - A - Les utilisations quotidiennes du Multimédia

Les personnes possédant un ordinateur multimédia, éventuellement connecté sur réseau, finissent par utiliser habituellement des applications et des connexions, qui ne leur font pas pour autant penser qu'ils sont les pionniers de l'ère du Multimédia.

II - A - 1 - Approche générale

Qui pense appartenir dès aujourd'hui à la génération du Multimédia Interactif lorsqu'il consulte les horaires de train et réserve son billet depuis son Minitel ?

On peut encore citer ceux qui commandent un super barbecue électrique par ce même Minitel, après avoir vu leur animateur préféré leur en faire la démonstration quelques minutes auparavant dans une émission de Téléachat.

La consultation de l'annuaire par le 11, ne doit pas être considérée autrement que comme l'interrogation à distance d'une base de données, donnant nom et adresse de toutes les personnes abonnées au téléphone.

Toutes ces actions sont en effet tombées dans la vie quotidienne, sans que les utilisateurs aient l'impression d'être les acteurs de cette révolution culturelle. Pourtant dans son principe, le Multimédia ne sera pas fondamentalement différent; il se contentera seulement d'offrir une convivialité accrue.

CD-Rom, E-mail et visiophone sur le grand écran

Dans le Film "Harcèlement" avec Michael Douglas et Demi Moore, l'ordinateur personnel, les connexions sur réseau, l'utilisation du modem et du E-mail ou encore le visiophone par satellite sont présentés comme des utilisations quotidiennes, qui ne sont même plus susceptibles d'interpeller un public américain habitué à ce genre de techniques (ce qui n'est pas encore le cas en Europe). En revanche, lorsqu'on en vient à la réalité virtuelle, on retombe vite dans un délire où le fantastique rejoint et dépasse souvent la réalité.

La télévision "Pay-per-View"

La télévision "Pay per View" ne va pas être une révolution qui apportera la parfaite interactivité dès le départ. Ce qui existe déjà consiste à commander le décryptage payant d'une émission passant à un horaire fixé.

La deuxième étape permettra de se libérer des contraintes d'horaire puisqu'une même chaîne diffusera tous ses programmes avec un départ toutes les 10 mn. Il suffira alors de demander le journal télévisé ou le(s) film(s) de telle chaîne, puis d'attendre quelques minutes son départ ... devant des publicités par exemple.

Enfin, l'interactivité totale consiste à commander directement son programme parmi des bibliothèques de films, ou des informations "On line".

Le progrès passe donc ici par une liberté peu à peu accrue du téléspectateur qui construit lui même son programme. Cependant est-ce vraiment ce que veulent les téléspectateurs ? M. Olafson P-dg de Sony Electronic Publishing aux États-Unis pense plutôt que : " La plupart des gens quand ils rentrent chez eux se vautrent devant la TV et n'ont pas en vie d'interagir avec autre chose que le frigo"!...c'est plutôt rassurant pour les télévisions généralistes.

Citons aussi Jens Bodenkamp d'Intel Europe : "N'achetez pas de tickets pour la cérémonie d'ouverture des autoroutes de l'information ... elle n'aura pas lieu. La mise en place de ces infrastructures est un processus continuel".

Le Multimédia ne nous propose donc pas une révolution, mais une évolution de notre manière de communiquer et d'utiliser les médias. Cette évolution est lente mais fondamentale, inexorable et irréversible. Lorsqu'on a goutté aux services Internet prodigués par notre École par exemple, on ne peut plus s'en passer : on s'achète alors généralement un modem et une connexion sur un BBS dès qu'on entre dans la vie active, afin de continuer à pouvoir profiter des services "On line", du E-mail ou de "l'IRC".

Le Multimédia est donc déjà présent dans nos vies, et s'implante chaque jour un peu plus avec l'apparition de nouveaux services plus conviviaux. Il s'impose lentement, mais sûrement.

II - A - 2 -Le Multimédia dans l'entreprise

Face à cette popularisation du Multimédia au niveau des particuliers, on peut aussi s'interroger sur son développement dans l'entreprise.

D'après Andrew S.Grove, Directeur Général d'Intel, "les sociétés qui exploitent le courrier électronique sont plus rapides et fonctionnent de manière moins hiérarchisée" ... de là à dire que les sociétés sont plus performantes grâce au E-mail, il n'y a qu'un pas !

De façon générale, le E-mail aplanit les hiérarchies puisque tout le monde y est connecté au même niveau. Même le président des États-Unis a sa propre boîte à lettre publique : President@Whitehouse.gov.

Sur "l'Internet Relay Chatting" on rencontre un vaste melting pot, avec toutes les catégories sociales, les étudiants, les chercheurs, les intellectuels, etc. Tout le monde est à égalité et le ton y est généralement très convivial.

Cet aplatissement des hiérarchies conduit tout naturellement à un élargissement du champ de ses connaissances. En effet, lorsque l'on participe à des forums de discussion, on parle à des personnes ayant des centres d'intérêt communs, et qui nous prodiguent des informations. Cependant, on ne connaît pas ces personnes et l'étendue de leurs compétences, si bien que toute information que l'on reçoit peut être totalement erronée. Ainsi, il convient de développer un esprit critique et de constamment mettre en doute l'information que l'on peut recevoir par ce biais.

On prétend que le E-mail améliore la rapidité et la qualité de la communication à l'interne comme à l'externe.

La forme y est toujours des plus directes, le texte étant orienté Question / Réponse. La communication y gagne alors en performance, d'autant plus qu'elle est facilement distribuable à une liste de destinataires de façon automatique.

Certains pensent que cette messagerie n'est pas véritablement différente du Fax, ou du moins n'apporte pas d'innovation majeure, par rapport ce moyen de communication tant apprécié (certains se demandent encore comment ils ont pu travailler des années durant sans ce précieux outil).

Pourtant la messagerie possède beaucoup d'avantages comme le montre si bien Jeff Gould (JGould@cmp.com), directeur de la rédaction de Informatiques magazine dans son éditorial du No3 de Février 1995 où il nous résume l'évolution du fax à la messagerie :

"Vous souvenez-vous ? C'était vers le milieu des années 80. A l'époque, personne n'avait de fax. Puis un beau jour, tout le monde -clients, fournisseurs, partenaires- a réclamé votre numéro. Par crainte de passer pour un attardé technologique, vous avez cédé, en achetant un gros appareil à imprimante thermique au prix invraisemblable... de dizaines de milliers de francs ! Bientôt il s'est mis à crépiter à longueur de journée, et vous avez vite oublié le temps où l'on vivait sans fax.

Du point de vue technologique, le fax est une drôle d'idée. Il prend des documents complexes, conçus le plus souvent sur un micro, et les réduit en une bouillie de petits points, un "bit-map" aussi peu commode à transmettre sur une ligne téléphonique qu'à stocker sur un disque dur. Aucune possibilité d'analyser les informations que contient un fax, aucun moyen de les archiver facilement, à moins de passer ses journées avec l'un de ces frustrants logiciels de reconnaissance optique. Le fax, c'est le plus bas dénominateur commun de la communication électronique.

Bref, après une décennie de bons et loyaux services aux entreprises, le moment approche où il faudra ranger son fax au placard, avec le Minitel à 1200 bits par seconde et les logiciels de bureautique en mode caractère sous DOS. La nouvelle étape, vous l'aurez bien sûr deviné, c'est la messagerie.

Inévitable, la messagerie rend possible une communication enfin transparente entre ordinateurs. En quelques clics, on trie son courrier, on répond aux messages urgents ou on les envoie vers des collègues (plus la peine de chercher l'adresse de son correspondant, c'est automatique), on range le reste dans des classeurs sur son disque ou ... dans la poubelle. Aujourd'hui, presque tous ceux dont le travail est de traiter et de faire circuler de l'information dans l'entreprise sont équipés d'un micro. Il n'est plus raisonnable de communiquer par des bouts de papier (ou leur image électronique).

En faisant entrer la communication écrite de plain-pied dans le domaine informatique, la messagerie crée de nouvelles opportunités de formaliser le travail au sein du groupe. Minant la hiérarchie inutile, elle permet une communication sans filtrage entre les directions et la partie opérationnelle des entreprises. Mais elle va plus loin encore et laisse apercevoir une époque -peut être pas si lointaine- où toutes les formes de communication en entreprise -voix, données, images, écrits- seront absorbées et maîtrisées par le roi micro, décidément triomphant."

Cette citation, certes longue, décrit, on ne peut mieux, l'avantage évident pour l'entreprise de se doter à terme d'un système de messagerie interne, mais aussi externe, car on ne nous demandera bientôt plus notre numéro de fax, mais plutôt notre code E-mail.

Cette convivialité apportée par les réseaux se retrouve encore dans des professions comme le journalisme. Un envoyé spécial peut par exemple écrire son article et numériser ses photos, pour tout envoyer ensuite à sa rédaction, qui ne se chargera que de la mise en page finale. Le gain en rapidité est alors évident.

Certaines entreprises font aussi la promotion de leurs produits sur CD-Rom, et de manière interactive. Dans le cas d'un vendeur de vêtements par exemple, Le client pourrait mettre en situation les produits qu'il souhaite acheter, en mariant les couleurs d'un cravate, d'un costume et de chaussures. Ces services sont encore peu développés du fait du seuil d'équipement encore réduit en lecteurs de CD-Rom. Toutefois, ceci commence à arriver dans la vente de biens aux entreprises.

La visioconférence permet de réaliser des réunions internationales sans avoir à faire déplacer les cadres pour seulement quelques heures. Ceci permet un gain de productivité et de rapidité en gommant les distances, ainsi qu'une économie substantielle en frais de transport, d'hébergement et perte de temps.

Beaucoup de sociétés multinationales sont sur réseau sécurisé, afin de récupérer les données et bilans d'activité de leurs différentes filiales au travers du monde en vue de les amalgamer au niveau de la direction centrale.

Comme le fax s'est imposé au milieu des années 80, la messagerie ainsi que tous les services apportés par le multimédia et ses connexions sur réseau, vont progressivement s'imposer et devenir aussi indispensables qu'un fax.

II - A - 3 - Éducation : le CD-Rom remplacera-t-il le professeur ?

Ce titre se voulant volontairement provocateur résume en fait la grande question au centre du débat de l'entrée du Multimédia à l'École.

Une prise de conscience a pour l'instant eu lieu au plus haut niveau, puisque d'après Francis Balle, directeur de l'information et des technologies nouvelles au ministère de l'éducation nationale : "L'école a raté la révolution audiovisuelle et celle de l'informatique. Elle ne doit pas rater la révolution Multimédia". En effet, à l'heure où la société est en train de passer à ce nouveau mode de communication, l'école ne peut pas ignorer ce phénomène au risque de se retrouver en marge de la société.

De plus, le Multimédia semble être en mesure d'améliorer la qualité de l'enseignement, en permettant un renouvellement des pratiques dans trois domaines clés de la pédagogie :

- Plus grande autonomie de l'élève pour accéder aux connaissances et par conséquent concentration de l'action pédagogique sur l'apprentissage des méthodes d'acquisition des connaissances.

- Mise en place d'une pédagogie différenciée répondant à l'hétérogénéité des élèves grâce à l'autoformation.

- L'interdisciplinarité des contenus, grâce au rassemblement d'informations de toute nature sur un seul support et à la navigation entre ces informations.

Les avantages pédagogiques

On estime aujourd'hui à plus de 7000 le nombre de CD-Rom présents dans les établissements publics. Les titres les plus utilisés sont le Zyzomys (4000 exemplaires), L'Histoire au jour le jour (2000 exemplaires) et le Robert (2000 exemplaires). Le ministère souhaite lancer un programme d'enseignement des langues vivantes dès le primaire par l'intermédiaire du CD-Rom.

Ce support permet d'allier son, image et texte, c'est à dire les éléments essentiels pour avoir son mini laboratoire de langue. On apprend ainsi par soi même de manière interactive; et ce rapport particulier, individuel et actif que l'on a avec la machine permet de mieux mémoriser.

Cependant, dans ce type d'apprentissage, on est seul face à une machine. L'enfant n'a donc plus de professeur pour lui servir de guide, et on peut douter de l'efficacité d'un enseignement qui exclurait tout échange et toute communication humaine. En effet, si l'enfant part dans une mauvaise voie, seul un être doué de réflexion et de psychologie sera capable de s'en rendre compte. De même, le Multimédia n'offre qu'un moyen d'apprentissage standardisé, qui ne tient absolument pas compte des spécificités de chaque individu auxquelles un professeur prête attention.

Le Multimédia ne peut donc intervenir que comme une aide, un outil supplémentaire de l'enseignement, mais en aucun cas il ne peut prétendre remplacer le professeur.

Une mise en place difficile

Le système d'enseignement interactif lié au Multimédia pose beaucoup de difficultés dans son instauration. Pour que les choses avancent, il faut recueillir l'avis favorable et emporter la conviction des enseignants pour ce nouveau moyen d'enseignement. Ces derniers sont souvent terrorisés par tout ce qui a trait à l'informatique, et se font les combattants les plus virulents du multimédia par simple ignorance et peur de voir leur statut remis en cause. En fait, le Multimédia étant un moyen d'accès à une connaissance encyclopédique et universelle, le rôle du professeur -comme détenteur de la connaissance- est sérieusement battu en brèche. Le plus important n'est pas, pour les générations futures, de savoir, mais plutôt d'aller chercher l'information juste, et de savoir l'analyser. C'est exactement le même type de dilemme qui se posait il y a quelques années : fallait-il interdire ou autoriser les calculatrices ? Fallait-il favoriser le calcul mental, ou le raisonnement mathématique pur ? Aujourd'hui le professeur doit accepter de se remettre en cause et d'utiliser ces nouvelles techniques, ne serait-ce que pour préparer les jeunes dès leur plus jeune âge à évoluer dans une cyber-culture.

Le rôle de l'école est donc de préparer l'élève à utiliser ce nouvel outil de communication, et éventuellement de l'utiliser pour l'enseignement de certaines matières, s'il peut en outre permettre un meilleur apprentissage -des langues vivantes par exemple.

II - A - 4 - Le Multimédia, c'est aussi des services ludiques ... et lubriques

Au delà de toutes ces utilisations très rationnelles et parfois presque scientifiques, le Multimédia propose une multitude d'applications plus divertissantes ou "légères".

Les jeux interactifs en réseau

Le jeu électronique tout d'abord, peut être considéré comme la première forme de Multimédia Interactif. En effet, que ce soient "Super Mario Land", "Street fighter" ou "Space Invaders", tous fonctionnent sur un principe d'association du son, de l'image animée, et du texte (scores par exemple), avec la possibilité pour l'utilisateur d'interagir en guidant son personnage via un Joystick (manette de Jeu). Le secteur du jeu a connu un essor colossal ces dernières années avec les deux géants Japonais que sont Nintendo et Sega. Aujourd'hui Sony arrive sur le marché avec une console hautes performances (64 Bits) lui permettant de rivaliser, en possibilités d'animations vidéo avec les CD-Rom pour PC.

L'innovation concernant les réseaux, et les autoroutes de l'information va consister à jouer contre un adversaire, qui est lui aussi sur le réseau, à deux maisons de chez nous, ou à l'autre bout de la planète. On peut alors imaginer participer à un championnat du monde de "Super Nintendo" sans quitter son fauteuil, et y rencontrer en finale le grand champion toutes catégories japonais.

Découverte culturelle

Une autre application consiste en un accès plus facile à la culture. En effet on peut se connecter sur la plupart des grands musées du monde ou acheter leur CD-Rom. On visite ensuite librement ses galeries sans avoir à souffrir de la foule de touristes. A tout moment une aide en ligne conçue autour de mots clés pourra nous donner des explications et nous renseigner sur la vie des artistes, sur leur mouvement ou leurs tendances.

Cours du soir, apprentissage individuel

Une autre possibilité sera liée au cours du soir. En effet, notre société postindustrielle réclame sans cesse une meilleure qualification de son personnel, et une maîtrise de plusieurs langues étrangères. Les besoins sont donc là, et le Multimédia avec le CD-Rom et les réseaux, est parfaitement adapté à l'apprentissage individuel interactif sous forme de cours du soir. Cet apprentissage des langues peut ensuite être mis en pratique par IRC ("Internet Relay Chatting") afin de tester son niveau, mais aussi de se faire des amis ou de s'imprégner d'une culture étrangère.

L'industrie du sexe

Enfin, on peut penser qu'un des facteurs du développement du multimédia passe aussi par tout ce qui touche à l'industrie du sexe.

Les exemples pour soutenir cette thèse sont nombreux :

- Le développement du Minitel est dû en grande partie à "l'explosion" extraordinaire des messageries roses. Ce phénomène ne peut pas être imputable aux français (et à leur esprit "chaud") car sur l'IRC -L'Internet Relay Chatting, système de messagerie international par excellence- les channels les plus fréquentés sont bien souvent #sex, #hotsex, #wetsex, #gaysex, etc.

- La chaîne de télévision cryptée Canal + a connu des difficultés à ses débuts du fait d'un positionnement trop élitiste. Elle a alors décidé de se mettre à retransmettre du football, et de proposer un film pornographique classé X à ses abonnés chaque mois. Le succès populaire est ainsi tout naturellement arrivé.

- L'offre en titres CD-Rom fait une large place aux animations pornographiques interactives, si bien que Univers Mac (et compatibles -depuis peu) propose des animations de charme sur son CD-Rom livré avec chaque mensuel (s'adressant, faut-il le rappeler, au grand public !).

- Les services de TV Pay per view les plus populaires aux États-Unis, sont les Channels proposant des films Gore, ou pornographiques (Play Boy Spice). Seuls les personnes recherchant ce type de programmes spécialisés sont pour l'instant prêtes à payer pour. Malheureusement, un tel développement touche des cibles réduites, alors que le but premier du multimédia et son impératif de rentabilité économique (ROI) sont de toucher largement la masse.

- Enfin les délires de la réalité virtuelle nous ouvrent de nouveaux horizons...

Citons à ce titre un article paru dans CB News Communication No344 du 18/04/94 intitulé "Même les machines ne pensent qu'à ça" : "Allons, allons, le monde Big Brotherien que l'on nous promet pour demain ne sera pas si froid que cela. Il pourrait même se révéler assez hot grâce au Cybersex ou Porno high-tech. Soit la possibilité de faire l'amour virtuel avec une personne inconnue, à des milliers de kilomètres de vous. Comment ? branchez-vous sur un réseau de communication adéquat, chargez le programme informatique idoine, enfilez votre <<data suit>> (une armure caoutchouteuse bourrée de capteurs sensoriels, d'émetteurs thermiques et autres gadgets contondants), et votre casque 3D (pour l'image et le son) et en avant pour le septième ciel électronique ! Tout ce que vous prodiguerez à votre partenaire, grâce à une souris et une représentation virtuelle dudit partenaire, sera transmis informatiquement et répercuté, par pulsions électriques, sur lui (ou elle) via l'attirail susmentionné. C'est l'amour <<virtuel>> : vous le faite sans y être. Aux dires des rares explorateurs du Cybersex, on est encore loin du Nirvana. Mais dans cinq ans ? Allô, Higway to Hell ?".

Où s'arrêtera donc l'imagination humaine et les détournements de la technologie ? Enfin, même si cela paraît fou, c'est susceptible d'arriver un jour plus ou moins éloigné dans notre société, et cela risque même de devenir le principal facteur de croissance des services sur réseau.

II - A - Conclusion

Le Multimédia propose donc une évolution de notre façon de vivre notre quotidien, de travailler et d'organiser nos loisirs télévisuels. Mais ce bouleversement culturel n'est pas sans poser de problèmes à la société toute entière.

II - B - Les risques liés à l'essor du Multimédia

II - B - 1 - Le risque d'instauration d'une société duale

Lorsqu'on écoute les discours électoralistes de beaucoup d'hommes politiques, le Multimédia est toujours présenté comme le moyen pour tous d'accéder à la connaissance.

Cependant, lorsque à force de voir des publicités sur les ordinateurs multimédia, on finit par décider de passer à une phase d'achat, et malgré tous nos efforts pour gratter les fonds de tiroir, on se rend compte que c'est encore très cher.

Les connexions sur des BBS offrant une passerelle Internet sont eux aussi hors de prix (on citera par exemple Calvanet coûtant FF 360 par mois pour 10 Heures de connexion possible sur le réseau des réseaux : Internet).

En clair, le multimédia ne sera pas aussi populaire et démocratique que ce que l'on veut bien nous faire croire, car en tant que secteur en pointe il sera cher, et seules les classes aisées pourrons s'en servir.

Naissance d'une dualité

En effet, cette dualité commence déjà en établissant une différence entre les personnes connectées et celles qui ne le sont pas. Les premiers se trouvent exclus, alors que les seconds arborent fièrement leur adresse E-mail sur leur carte de visite. Cette adresse est pour ceux qui peuvent la justifier, le moyen de montrer qu'ils ne sont pas des retardataires de l'entrée dans l'ère du Multimédia.

Si l'on peut penser, que comme à l'époque du début du fax, cette dualité sera vite résolue au niveau des entreprises, on peut craindre qu'au niveau des particuliers, des populations complètes en soient complètement exclues, tout simplement parce qu'ils n'auront pas les moyens financiers de se connecter.

L'école facteur de cohésion

Cependant, ceci risque encore une fois de renforcer les injustices sociales, ne serait-ce que dans l'égalité des chances face à l'emploi. Dans l'entreprise, le multimédia sera un outil de communication tout naturel, et les personnes qui n'y seront pas familiarisées se trouveront désavantagées au moment de l'embauche.

Ceci passe donc par un effort de l'éducation nationale, qui devra former les jeunes à l'utilisation du Multimédia. L'école devient alors un facteur de cohésion sociale, et le moyen d'éviter de créer des exclus de ce mode de communication.

De même, on peut penser que certains pays seront complètement exclus de cette révolution, car il n'auront pas les moyens de financer un réseau et des infrastructures suffisantes. Le risque géostratégique est alors de ne pouvoir maîtriser l'information, qui circule de plus en plus vite. Les Pays en Voie de Développement ont donc beaucoup à perdre de cette révolution Multimédia dans la mesure où ils ne peuvent, pour des raisons financières, pas la suivre. Pourtant lorsqu'on sait à quel point les services postaux fonctionnent généralement mal, le E-mail serait un outil de communication très performant et certainement apprécié. Ainsi, le pays qui réussira à inciter les sociétés à utiliser les réseaux de communication, encouragera certainement de la sorte un de ses futurs facteurs de croissance.

II - B - 2 - Perte de l'identité culturelle

Le Multimédia avec ses réseaux de communication est par définition international. L'Internet par exemple est accessible dans la majorité des pays, et toutes les cultures -ou presque- y sont représentées. Il suffit d'aller sur IRC pour trouver des channels #France, #USA, #Germany, #Scandinavia, etc. Si cela est un moyen d'aider à un brassage culturel, qui est nécessaire dans un monde ou les relations internationales sont toujours plus intenses, c'est aussi un risque d'assister à une sorte d'uniformisation culturelle, et de perdre les particularismes locaux.

Hégémonie américaine sur le cinéma

Prenons l'exemple du cinéma. Une nation -les États-Unis- a affirmé sa suprématie sur cette catégorie d'art, construisant autour du film une véritable industrie représentée par les glorieuses Stars hollywoodiennes aux cachés faramineux, ou encore les Majors du cinéma qui possèdent des réseaux de distribution dans le monde entier. Le cinéma allemand ou italien ont aujourd'hui presque disparus, alors qu'ils comptaient parmi les auteurs de plus grand talent. La France est-elle aussi quasiment inexistante sur la scène internationale, même si elle a alimenté le débat sur l'exception culturelle lors des dernières négociations du GATT (Uruguay Round).

Ainsi, le risque du Multimédia est d'imposer une culture universelle. Dans cette optique, les États-Unis ont déjà pris de l'avance, et on peut craindre une hégémonie culturelle de Mickey, du Coca-Cola et de Mc Donald.

Le E-mail et les accents

Dans cette uniformisation de la culture, on constatera aussi l'affirmation d'une langue unique et universelle : l'Anglais.

Pour un français, et malgré les récentes lois sur la défense de notre belle langue, il n'est pas naturel de parler de "courrier électronique", et tout le monde l'appelle sous sa dénomination anglaise : "E-mail".

Cette affirmation de l'anglais est telle que l'on n'a même pas pensé à faire accepter certaines particularités linguistiques par le réseau. Par exemple, on ne doit pas écrire le français avec des accents par E-mail ... au risque de voir son courrier arriver de manière véritablement incompréhensible (chaque accent étant remplacé par un code). Cette mésaventure est d'ailleurs arrivée au Ministre de la Culture Française : Monsieur Jacques Toubon, lorsqu'il a souhaité envoyer un message à propos de la défense de la langue française à tous les "Internautes" du pays via le E-mail.

Les TV interactives

L'optique d'une TV interactive ou chacun pourra choisir son programme paraît réjouissante; cependant elle laisse le téléspectateur seul, et on peut craindre pour la stabilité d'une unité sociale résultant en partie des grands rassemblements télévisuels populaires.

La télévision nationale est en effet le rendez-vous quotidien de millions de personnes, autour du journal de 20 Heures, ou d'émissions de variétés populaires : citons par exemple l'immense succès du "Grand Bluff" de l'animateur Patrick Sébastien qui avait réuni 19 millions de téléspectateurs.

Toutes ces émissions, dont la qualité est souvent discutable, donnent à la population une façon de penser, un regard humoristique, un esprit rebelle ou soumis, etc., qui ont l'avantage d'être partagés par beaucoup. La télévision générale est donc un facteur commun d'accès à la culture (au sens large), et qui peut définir un état d'esprit national.

Qu'en sera-t-il lorsque chaque personne pourra à tout moment construire son programme en choisissant librement dans des bibliothèques ou des banques de données internationales ? La cyberculture se fera certainement au détriment des cultures nationales et régionales.

III - B - 3 - Les risques d'une civilisation de l'image

Le multimédia consistera à associer le plus possible l'image à toute présentation.

L'image séduit et propose une représentation fidèle de la réalité, qui permet de mieux comprendre les choses. Il est plus simple de représenter un objet que de le décrire par exemple.

Les possibilités de manipulation de l'image

Mais si on pouvait jusqu'à présent manipuler une image, elle était difficilement trucable. Les photo-montages étaient grossiers et facilement repérables.

Aujourd'hui avec les progrès de la technologie numérique et les logiciels de morphing toujours plus performants, on peut créer des images virtuelles absolument parfaites. Dans le film Forrest Gump par exemple, Tom Hanks rencontre "virtuellement" John Kennedy et Richard Nixon. On pourrait de la même manière, envisager de faire jouer des acteurs de légende comme James Dean ou Steeve Mc Queen, dans leur premier rôle posthume. Vu l'engouement pour les applications "sexuelles", on peut même imaginer retrouver des "visages" d'acteurs ou de Top models connus dans des films à caractère pornographique ... ce qui serait, on s'en doute, très préjudiciable pour leur image.

L'image n'est donc plus forcement le reflet de la réalité, et peut devenir une virtualité. Il convient donc de développer notre esprit critique face à ce que l'on regarde.

Les diffuseurs devront eux aussi s'imposer un code de déontologie, pour que l'image conserve son degré de fiabilité. Nous citerons ici le scandale qui a récemment touché Jean-Marie Cavada, présentateur apprécié et reconnu de l'émission "la marche du siècle". Pour un sujet sur l'Islamisme en France, on n'a pas hésité à manipuler une photo, en rajoutant une barbe à trois maghrébins, qui n'avaient semble-t-il pas assez le "look" islamiste intégriste -à l'origine !

L'image rend le public passif

Lorsque l'on dit interactivité, on pense "activité". L'utilisateur adopte une attitude active, qui fait de lui le principal acteur de sa recherche d'information. C'est cette recherche active qui permet une meilleure mémorisation et donc un progrès de la connaissance.

Cependant, jusqu'à présent, l'image a surtout poussé à la passivité. Les téléspectateurs se contentant de "zapper" et d'ingurgiter sans réfléchir des programmes stupides et autres jeux débiles. Sur un réseau interactif, tout doit être mis en oeuvre afin de maintenir une attitude active, et d'éviter le zapping inutile. Par exemple, sur Internet, avec WWW, on navigue allègrement dans la connaissance, grâce à des liens hypertexte, mais on trouve rarement l'information précise que l'on cherche.

Mais une telle rationalisation de l'utilisation des réseaux revient à limiter le temps de connexion, ce qui va à l'encontre d'un objectif commercial, qui consistera plutôt à faire durer la connexion le plus longtemps possible, et permettre le Netsurfing (zapping sur le réseau).

Ainsi, les autoroutes de l'information risquent de pécher par excès. Un accès trop complet et non rationalisé à l'information et aux loisirs, pourrait -à l'inverse de l'effet recherché- conduire à l'abrutissement de la population, par développement d'une attitude trop passive .

II - B - 4 - les Hackers, ou pirates du réseau

Une des peurs liée aux réseaux informatiques concerne le piratage.

Ce phénomène à depuis longtemps donné lieu à des épisodes très romancés, alimentant les articles de journalistes alarmistes. Le cinéma a lui aussi exploité ce sujet dans le film Wargames par exemple, où un jeune adolescent pénétrait le réseau de la défense américaine et stoppait in-extremis une guerre nucléaire.

Le hacking s'il est souvent romancé, est un phénomène bien réel : le premier conseil qu'on peut nous donner avant de connecter une machine serveur sur Internet pourrait être de la protéger.

Le hacking est le plus souvent le fait de jeunes passionnés d'informatique, qui n'ont pas forcement suivi d'études poussées dans ce domaine, mais qui l'on appris des années durant "sur le tas". Pénétrer des systèmes que des ingénieurs très diplômés ont mis des années à concevoir et à protéger, est donc pour eux, à la fois un jeu, et une gloire personnelle. Certains peuvent chercher à s'enrichir, en pénétrant des réseaux bancaires; d'autres peuvent espionner en détournant des E-mail ou en recherchant des informations confidentielles sur des entreprises ou des États, mais l'enjeu est le plus souvent le jeu, la sensation de pouvoir et de supériorité, l'autosatisfaction.

Citons l'exemple du plus célèbre pirate de l'Internet : Kevin Mitnick.

Il avait été arrêté une première fois pour s'être infiltré sur le système du Pentagone. Relâché et mis sous étroite surveillance, il a décidé de disparaître et de continuer son activité de hacking. Il pouvait pénétrer à peu près tous les systèmes, il travaillait simultanément depuis plusieurs comptes afin de brouiller les pistes, il avait infiltré l'opérateur de télécommunication local : Pacific Bell, afin de savoir si quelqu'un était en train de le repérer, et avait piraté des centaines de codes de cartes bleues.

Mais il a commis l'erreur de pénétrer l'ordinateur d'un autre célèbre hacker, qui s'est senti comme "violé". Ce dernier n'a pas accepté et a mis toutes ses compétences au service de l'administration américaine afin de retrouver Mitnick. Mi-février, Mitnick était repéré et arrêté ... les autorités pouvaient de nouveau souffler.

Selon le responsable de la veille technologique à la société d'assurance américaine MassMutual Life Insurance, les hackers cherchent simplement "à montrer leur force, à relever un challenge". Le principal problème pour leur société n'est pas l'accès à des informations confidentielles, mais "s'ils arrivent à rentrer (ndlr: les hackers), d'autres personnes peuvent perdre confiance dans l'entreprise, et nous finirions par perdre des clients". Donc, même pour les entreprises dites non-sensibles, le danger existe toujours, ne serait-ce que pour leur réputation, et pour leur image publique. Le problème des virus est réglé "en installant un anti-virus sur tous les ordinateurs ayant un accès internet. Ainsi, dès que quelque chose arrive de l'extérieur, il est immédiatement vérifié. La plupart des entreprises ont une série de réseaux locaux, tous interconnectés. Si l'un d'entre eux est infecté, c'est le réseau entier qui est menacé. Nous avons plus de 150 réseaux locaux. Nous avons programmé nous routeurs pour seulement sortir, ainsi, toute tentative d'entrée sur notre réseau par l'extérieur est refusée si la source de la connection n'est pas interne".

Le hacking fait donc peser un véritable danger pour une société ou toutes les informations secrètes sont stockées sur des ordinateurs serveurs sur réseau.

Comment faire pour garantir une totale sécurité ? Par exemple un hacker, qui avait pénétré la CIA, avait diffusé sur des forums de discussion la liste de plusieurs agents. De tels comportements sont dangereux, et irresponsables mais pourtant difficiles à combattre.

Une parade contre le hacking : le cryptage

La meilleure parade pour une machine consisterait à ne pas la mettre sur le réseau !

Pour le transfert de données, il existe en revanche des systèmes d'encryptage / décryptage : dont le plus célèbre est PGP -Pretty Good Privacy. Ces systèmes consistent à crypter ses données avant de les envoyer, avec une clé numérique ou alpha numérique. La personne recevant le E-mail pourra le décrypter en appliquant sa clé de décryptage. Ainsi, les informations peuvent transiter sans qu'il soit possible de les décoder, tant le nombre de combinaisons est élevé.

Cette possibilité de cryptage n'est pas du goût de la CIA et des autorités en général, qui ne peuvent plus conserver le contrôle sur la circulation des informations. La CIA est même allée jusqu'à poursuivre le concepteur de PGP, qui distribuait en freeware son logiciel sur Internet. Le Net-taping comme les écoutes téléphoniques sont un sujet tabou, pourtant votre ordinateur peut lui aussi être sur écoute...

II - B - 5 - Les problèmes juridiques issus des réseaux

Une des principales préocupations de ces prochaines années, du point de vue juridique, sera la protection de la propriété intellectuelle. En effet, une masse incroyable d'informations cirule sur les réseaux. Et la plupart de ces informations sont libres d'accès, et donc d'utilisation. Ce mémoire, une fois sur le serveur de l'école, pourra être consulté et récupéré par tout un chacun. Et chacun aura la possibilité de s'en inspirer, et de l'éditer pour le commercialiser. Le fait de mettre des informations sur un serveur ouvert au public implique-t-il que ces informations sont libres de reproduction?

L'interactivité amène les concepteurs à utiliser une multitude de sources : images, textes, sons, films..., ce qui pose un sérieux problème juridique. Selon Ruth Besnainou, Présidente du CIPROG (Union des Concepteurs et Producteurs de Logiciels Scientifiques), "LA profession n'est pas encore préparée à faire face aux multiples droits d'auteurs dans la mesure où un programme multimédia peut faire appel à des images de films, de documentaires, des bandes dessinées, des extraits de livres, des comédiens, etc."

Autre problème : quelle loi régit les serveurs de type Internet? Dans la masse d'informations récupérables, il existe des données qui ne sont pas légales selon les pays. Cela va de la composition chimique de substances illégales aux photos digitalisées à caractère pornographique, en passant par des programmes informatiques commerciaux. Certains pays du Sud-Est asiatique n'ont pas la même notion du droit, et laissent en libre accès des logiciels commerciaux sur des serveurs internet tout à fait officiels.

II - B - Conclusion

La révolution Multimédia s'accompagne donc de problèmes culturels et juriduques très sérieux. Il faudra s'efforcer de défendre notre culture, assurer l'accès au multimédia et à la connaissance pour tous, instaurer un cadre réglementaire qui maintiendra l'intérêt éducatif et limitera les dérives du système, et enfin, protéger le réseau contre des pirates d'une nouvelle génération.

III - STRATÉGIE

Analyse des mouvements d'alliance

au sein des entreprises

du secteur du multimédia

III - Introduction

Le multimédia promet, pour les années à venir, de véritables révolutions technique et culturelle, mais aussi et surtout un nouveau marché aux potentialités économiques encore insoupçonnées.

On se prend à rêver des opportunités du multimédia lorsqu'on imagine que la télévision interactive où l'on commandera son programme depuis sa télécommande, le Home Shopping avec de futures enseignes virtuelles, les divers services On line, les messageries et les forums de discussion seront sans aucun doute dans un futur plus moins proche, des médias de masse comme l'est aujourd'hui la télévision hertzienne.

Cependant le multimédia interactif entraîne une rupture totale avec nos habitudes de communication, ce qui laisse planer une incertitude importante quant à la définition d'une offre de produits et de services. De plus, l'importance des investissements à réaliser, pour la mise en place de réseaux large bande en fibre optique, nous fait vite revenir à la réalité et aux impératifs de rentabilité économique !

Comment les grands groupes des télécommunications, de l'image, du son, de l'informatique, et de l'électronique se placent-ils donc dès à présent sur ces futurs marchés ?

Que faut-il comprendre des grandes manoeuvres stratégiques qui agitent ce secteur ?

III - A - Caractéristiques des différents acteurs et intérêts convergents vers le multimédia

Parmi les différents acteurs qui se placent actuellement sur le marché du multimédia, nous pourrons citer les entreprises issues des secteurs suivants :

- Les opérateurs de télécommunication.

- Les cablo-opérateurs.

- Les fabricants d'ordinateurs et de périphériques.

- Les fabricants d'électronique grand public.

- Les concepteurs de logiciels.

- Les fournisseurs de contenus allant des VPCistes aux Majors Hollywoodiennes.

Chacun des secteurs de la production de "Hardware" (matériel) se heurte à une stagnation de son marché en raison d'un seuil d'équipement élevé, ou de l'absence de possibilités d'innovation. Les secteurs du Soft bénéficient actuellement d'une croissance intéressante.

Les chiffres utilisés par la suite sont tirés de l'Omsyc, Observatoire Mondial des systèmes de Communication.

III - A - 1 - Les Télécommunications

En 1993, le marché mondial des équipements et des services de télécommunications a représenté Chiffre d'Affaires très important de $ 510 Mds (soit 1,92% du PIB mondial) et est en progression de 3% depuis 1988. Ce marché se répartit entre l'Europe ($ 180 Mds), les États-Unis ($ 178 Mds), le Japon ($ 71 Mds) et $ 80 Mds pour les autres pays (essentiellement Sud-Est Asiatique).

Ces $ 510 Mds se répartissent entre 82% pour les services et 18% pour les équipements (commutation, terminaux, satellites).

Ainsi, les marchés des pays développés sont de nos jours complètement équipés et donc en saturation. L'innovation vient des services (Télétel, services divers aux particuliers, serveurs vocaux, etc.), du développement des téléphones mobiles portables, et de la technologie numérique.

Pour s'assurer des marchés d'équipement, les entreprises comme Alcatel ou Siemens doivent se tourner vers des pays nouvellement industrialisés, ou en pleine reconversion, afin de les équiper en standards et commutateurs téléphoniques.

Les opérateurs de Télécom agissent presque toujours en situation de quasi-monopole : exemple des Télécom en Europe avec Bristish Telecom, France Télécom, Deutsche Telekom, mais aussi des "Baby Bells" aux États-Unis qui après le démantèlement de AT&T en 1984 se sont partagées de façon monopolistique les marchés locaux, laissant les communications longue distance à AT&T, MCI et Sprint.

Bénéficiant de ces positions monopolistiques les tarifs des télécommunications sont restés relativement stables, alors que les matériels sont amortis depuis longtemps.

L'activité de ces entreprises est donc fortement génératrices de Cash Flows.

Techniquement, les opérateurs des Télécoms ont une avance certaine dans la maîtrise des communications "two ways" (qui conditionnent l'interactivité par retour de l'information depuis chaque téléspectateur)., mais n'utilisent pas de câbles de connexion à haut débit (ce qui leur interdit le transfert d'informations numérisées comme la vidéo).

III - A - 2 - Les Cablo-Opérateurs

Ce sont les entreprises du câble qui ont le monopole de la distribution des réseaux de télévision câblée.

Ces opérateurs ont mis en place des réseaux à haut débit pouvant supporter plusieurs chaînes de télévision analogiques. Cependant, leur réseau ne fait généralement pas encore appel à la technologie de la fibre optique, qui est très coûteuse et qui ne se justifie pas pour l'instant. Ainsi, leur réseau doit être entièrement modernisé pour supporter l'arrivée de la télévision interactive.

Compte tenu de leur savoir faire en matière de programmation, on peut penser que ces chaînes du câble sont parmi les mieux placées pour développer la télévision "Pay per View".

Mais, la mise en place du réseau câble existant, leur a déjà coûté une fortune et les structures sont encore loin d'être amorties. Les opérateurs du câble n'ont donc pas les capacités financières pour développer de nouveaux réseaux large bande en fibre optique; c'est pourquoi ils souhaiteraient pouvoir proposer des services de télécommunications, très rémunérateurs et peu concurrentiels, en demandant le droit d'utiliser leur propre réseau câblé pour le transport des communications téléphoniques.

Ainsi, ces cablo-opérateurs se placent comme les concurrents potentiels des opérateurs de Télécom... dans le cas ou la réglementation évoluerait en leur faveur (pour l'instant ces marchés d'opérateurs de télécom et de cablo-opérateurs sont donc captifs et dépendent des licences accordées sur des territoires donnés).

III - A - 3 - Les fabricants d'ordinateurs et de périphériques "multimédia"

En 1993, le marché mondial de l'informatique a représenté $ 445 Mds, en augmentation de 6,7% par rapport à l'année précédente. Ce Chiffre d'Affaires se réparti entre 41% pour les équipements, 40% pour les services et 19% pour les logiciels. Le marché devrait continuer de se développer progressivement jusqu'à l'an 2000 en faveur de la micro personnelle particulièrement aux États-Unis. Aujourd'hui, 33% des américains travaillent avec un ordinateur (17% au Japon et au Royaume-Uni), et 27% des ménages américains ont un ordinateur personnel (ils devraient être 70% en l'an 2000).

La tendance actuelle qui devrait soutenir la croissance du secteur pour plusieurs années consiste à équiper les ménages de "l'ordinateur de la maison": on citera les Performa d'Apple, les Presario de Compaq, ou les Aptiva d'IBM pour la plupart distribués en grandes surfaces spécialisées. Le leitmotiv est l'ordinateur appelé "multimédia", qui sert à toute la famille -consultation d'encyclopédies sur CD-Rom, travaux personnel (applications bureautiques), jeux, possibilités de connexion (sur Internet -dixit la publicité de OS-2 Warp d'IBM), etc.

Ces ordinateurs n'offrent pas de grandes révolutions technologiques et cherchent plutôt à proposer une configuration moyenne "multimédia" (avec CD-Rom, Modem, cartes Son et Vidéo) pour un prix des plus compétitifs (autour de 10000 FF à 15 000 FF en Février 1994). En fait la course à la puissance est devenue inutile : pendant longtemps l'évolution logicielle a permis de définir de nouvelles exigences rendant obsolètes les générations précédentes d'ordinateurs en terme de mémoire vive ou de stockage, et de type ou de cadence des micro processeurs. Maintenant, les ordinateurs sont assez puissants pour recevoir les applications courantes à venir, et de toute façon, les utilisateurs moyens exploitent tout au plus 20% des performances de leur version de Word ou Excel!

Le critère d'achat d'un ordinateur n'est plus sa performance ou son caractère innovant, mais son prix... et à terme, une guerre des prix est un risque pour les constructeurs (qui ont déjà dû faire face à une érosion dramatique de leurs marges).

L'avènement du véritable Multimédia avec les autoroutes de l'information est une aubaine pour les fabricants d'informatique. Le traitement numérique du son et de l'image exigent en effet des capacités de stockage et une vitesse de traitement de l'information bien supérieures aux standards actuels. Pour information, une image A4 non compressée et numérisée en 16,7 Millions de couleurs et 300 ppp nécessite une mémoire d'environ 90 Mo; un CD-Rom possède une mémoire de 640 Mo - alors que les disques durs des ordinateurs "multimédia" grand public actuels ne font guère plus de 270 Mo. Favoriser l'essor du multimédia est donc le moyen pour les constructeurs de conserver l'innovation et la course à la performance comme les facteurs du succès de l'informatique de demain. Il ne fait nul doute que le Giga Octets (Go) deviendra très bientôt la référence.

III - A - 4 - L'électronique grand public

Le marché mondial des produits bruns (pour professionnels et grand public) pèse $ 100 Mds en 1992.

L'électronique grand public comprend le matériel audio pour $ 44 Mds, et le matériel vidéo pour $ 57 Mds dont les téléviseurs couleurs pour 56%. Le marché des magnétoscope s'est stabilisé autour de $ 15 Mds et voit son parc augmenter de 10% par an depuis 1987 -essentiellement grâce à une baisse des prix. Le marché du camescope progresse de 13,2% l'an et le marché des lecteurs de CD audio connaît un succès exceptionnel avec 25% de progression par an depuis 1987.

L'électronique grand public est un marché ou l'offre est complètement banalisée, et ou la concurrence est très vive. Il n'y a plus de véritables innovations à mettre en avant dans la télévision, la Hi Fi, les magnétoscopes, ou les lecteurs CD, tout juste quelques avantages concurrentiels...

La technologie du numérique qui doit s'imposer avec la généralisation de réseaux de diffusion large bande et du satellite, va permettre le développement de la TVHD et va même conduire à l'essor du Home Cinéma avec les écrans muraux haute définition à cristaux liquides, le son THX, etc.

Les magnétoscopes seront remplacés par des lecteurs de disques magnétiques réinscriptibles ou des disques durs à temps d'accès très rapide et à capacité de stockage très élevée, ceci afin d'enregistrer les signaux sonore ou vidéo numériques.

Ainsi, tout le secteur est dans l'attente de la définition et du choix de standards de diffusions, de supports et de normes techniques, afin de les exploiter et de proposer au plus vite des produits innovants sur un marché de nouveau en phase d'équipement.

III - A - 5 - L'industrie du Soft

Ce secteur du Soft peut se définir comme l'offre non matérielle de services qui permettront de tirer le meilleur parti d'une connexion sur les autoroutes de l'information, et d'utiliser des produits Hard à hautes performances.

Ce secteur peut se diviser en deux types d'acteurs majeurs : les éditeurs de logiciels, et les producteurs de contenu.

Les éditeurs de logiciels

Les éditeurs de logiciels ont connu une période de croissance très faste. Ils ont généré $ 84 Mds de Chiffre d'Affaires en 1993, et sont en croissance de 9,3% par an depuis 1988 soit le double de ce qui a été constaté pour les équipements. Le leader incontesté de ce marché est le géant américain Microsoft avec son charismatique P-dg Bill Gates. L'origine du succès de cette société repose la conception du système d'exploitation DOS et de l'interface graphique conviviale Windows, qui équipent aujourd'hui 75% des micro-ordinateurs de la planète.

Le rôle des éditeurs de logiciels est de proposer une interface conviviale pour utiliser de la façon la plus naturelle possible, l'ordinateur aujourd'hui, et les autoroutes de l'information demain. Ainsi, leur rôle sera de développer des logiciels de navigation sur le réseau et d'utilisation des services proposés : choix d'un film dans une bibliothèque de milliers de titres, achats dans des supermarchés virtuels, utilisation conviviale des services On line, etc.

Leur rôle est essentiel : car si le Multimédia veut devenir un marché de masse, il se doit d'être simple et utilisable par tous ... ce qui ne paraît pas évident lorsque 70% des personnes possédant un magnétoscope ne savent pas bien le programmer !

Ce rôle peut même être qualifié de stratégique, car le facteur clé de succès de toute offre de services On line est sa convivialité. On peut donc penser que les éditeurs de logiciels vont se diversifier vers les services -secteur très attractif réalisant $ 197 Mds de C.A. en 1993 et dont la croissance est constante.

Les prestataires de service classiques vont donc voir apparaître de nouveaux concurrents inattendus - éloignés du métier de base, mais maîtrisant l'interface logicielle : on citera comme exemple CitiBank qui n'hésite pas à désigner Microsoft comme son futur et plus dangereux adversaire avec le service On line qu'il vient de lancer : Microsoft Network (Apple -autre symbole de l'informatique conviviale- a aussi lancé son service : E-World).

En plus de la convivialité logicielle, les éditeurs maîtrisent la sécurisation des réseaux, ce qui paraît essentiel pour prévoir un moyen de paiement non risqué et la conservation de la confidentialité des informations.

Alors que le marché du logiciel commence à s'essouffler (les utilisateurs moyens ne maîtrisant que 20% des capacités de leur Soft, ils ne perçoivent pas l'utilité de les renouveler), le Multimédia sera le marché d'avenir des éditeurs de logiciels. Bill Gates recherche vraisemblablement à réussir un nouveau coup de maître en définissant un standard planétaire pour les logiciels de navigation.

Les producteurs de contenu

Ce sont les sociétés qui fournissent actuellement le contenu des émissions que l'on diffuse sur les médias actuels et que l'on diffusera demain de manière interactive.

Ces sociétés sont pour l'instant unies au sein de groupes que nous qualifierons de "Multi-médias". Ces groupes réunissent la production de films, musique, informations, documentaires, jeux vidéos, etc.

On citera comme exemple de groupes : Time-Warner, Walt-Disney, Paramount, Turner aux États-Unis, Matra-Hachette pour la France, Bertelsmann pour l'Allemagne, Fininvest pour l'Italie.

L'intérêt de cette industrie est double.

D'une part les entreprises du secteur possèdent les droits sur des créations artistiques de tous les contenus (Soft) actuels.

D'autre part le secteur du Soft mobilise une force créative extraordinaire.

Les producteurs de films, éditeurs de disques, concepteurs de Jeux-Vidéo

Les entreprises du secteur possèdent les droits sur des créations artistiques (films, albums musicaux) ou sur des produits qui ont fait leurs preuves (jeux vidéos avec des personnages comme Mario de Nintendo, ou Sonic de Sega). La propriété de ces droits permet d'avoir la mainmise sur des bibliothèques qui serviront de base à l'offre de services sur les autoroutes de l'information comme la télévision "Pay per View". C'est pour cette raison que les Majors hollywoodiennes suscitent autant la convoitise ces dernières années -les rachats de studios se négociant généralement entre $ 5 Mds et $ 10 Mds.

Ces studios contrôlent toute la chaîne de la production allant du scénariste au producteur, du metteur en scène aux acteurs. Déjà, les grands studios ont développé des filiales qui travaillent à la conception d'émissions interactives ou le téléspectateur pourra interagir sur le scénario d'un film pendant qu'il le regarde.

Les télévisions généralistes

Elles maîtrisent actuellement la conception et la diffusion des programmes surtout dans leur caractère pluriel (films, informations, documentaires,...)

La publicité

Indirectement, c'est la publicité et par son biais, l'industrie manufacturière (annonceurs), qui ont financé le développement des grands groupes Multi-médias actuels (presse, TV, Radio). Cependant, avec la crise économique, les annonceurs ont revu leurs budgets à la baisse et la publicité est tombée dans une crise profonde (beaucoup de réductions d'effectif dans ce secteur depuis le début des années `90).

Le Multimédia interactif devrait donc permettre de relancer ce secteur, compte tenu des possibilités accrues de ciblage de clientèle : le téléspectateur définira son profil type, et il ne recevra que les publicités susceptibles de l'intéresser (les célibataires n'auront plus à supporter les spots publicitaires de couches pour bébés !).

Pour l'instant la publicité n'est pas une base suffisante pour servir au financement des autoroutes de l'information, mais avec la reprise économique et les nouvelles potentialités de ciblage offertes, on peut penser qu'elle redémarrera rapidement pour soutenir la croissance de tout le secteur.

III - A - Conclusion

Le passage au grand marché du Multimédia Interactif se caractérise donc par une rupture totale avec les marchés de l'image, du son, des communications et de l'informatique actuels -comme le remarque si bien Raymond Smith, P-dg de Bell Atlantic : "L'ordinateur va parler, la télévision va écouter et le téléphone diffusera des images".

Ceci conduit à une incertitude quant à l'offre qui est nécessairement sophistiquée, complexe et coûteuse. Elle ne peut donc pas être maîtrisée par un seul et même acteur et des alliances de compétence apparaissent comme une nécessité pour se placer sur ce marché à terme.

Nous allons donc analyser les synergies qui existent entre les secteurs du Soft et du Hard.

III - B - Analyse des synergies entre les différents acteurs du Soft et du Hard

L'essor annoncé du marché du Multimédia Interactif a provoqué de nombreux mouvements de fusions acquisitions, des alliances stratégiques ainsi que la naissance de Joint-Ventures.

La convergence interne des médias est aujourd'hui irréversible et le Multimédia dominera la scène de la communication du début du siècle qui vient. Les entreprises qui ne s'y seront pas préparé à temps prendront un retard considérable, et seront condamnées à disparaître.

Ainsi, dans un mouvement d'anticipation stratégique, les différents acteurs cherchent dès à présent à réserver leur ticket d'entrée sur ce marché futur, promettant déjà un potentiel de croissance à deux chiffres. Ce ticket d'entrée est particulièrement cher compte tenu de la nécessaire modernisation complète des infrastructures qui devront passer à la fibre optique.

Les différents acteurs recherchent donc des synergies et une intégration au sein de nouveaux groupes "Multimédia" majeurs (englobant les diffuseurs, les producteurs de Hard, les éditeurs de logiciels et les producteurs de contenu) qui domineront le marché dans les années à venir.

III - B - 1 - Interdépendance des secteurs du Soft et du Hard

Avant d'analyser les synergies qui peuvent exister entre le Soft et le Hard, on citera cette vieille recette du marketing : "le consommateur n'achète pas des forets de 8mm, mais des trous de 8mm". De la même manière, nous pourrions dire que le "browser" (utilisateur du Multimédia) n'achètera pas une connexion, mais des services. Dans ce secteur où la hi-tech est très présente, on se rend compte qu'elle ne peut se justifier pour elle-même, le consommateur ne prenant en considération que les services qu'il pourra en tirer.

Exemples d'échec du développement d'innovations Hard

L'offre en terme de connexion ou de produit ne peut se faire qu'à partir du moment où on la lie avec des possibilités d'utilisation (des services) susceptibles de retenir l'intérêt du consommateur. L'offre doit donc être globale, le Soft étant indissociable du Hard.

Système MUSE
L'expérience de la télévision haute définition (TVHD) japonaise pourrait constituer un bon exemple à contrario de l'importance primordiale du Soft. Ce système de TVHD se nommait "MUSE" et les japonais espéraient l'imposer comme standard mondial au milieu des années `80. Ce système "Hi Vision" développé en avance par rapport aux États-Unis et à l'Europe, présentait en outre l'inconvénient de ne pas être compatible avec les standards de diffusion analogiques utilisés par les chaînes classiques. De plus, la largeur de la bande nécessaire rendait impossible la réception par voie hertzienne, et obligeait le recours au satellite (à une époque où le coût des antennes paraboliques était particulièrement élevé). De plus, le téléspectateur japonais accroc de haute définition bénéficiait d'une offre Soft des plus réduites, ne pouvant recevoir que quelques heures de TVHD par jour. Il devait ensuite avoir recours à son bon vieux poste de télévision pour recevoir les chaînes de télévision classiques. L'échec du système MUSE au Japon peut donc être principalement imputé à une offre en programmes trop limitée et une mauvaise maîtrise de la technique de diffusion. Le coup de grâce a été porté par l'Europe qui a décidé de développer son propre système D2-Mac, puis les États-Unis qui ont annoncé ne vouloir adopter aucun système et qui développent actuellement une norme entièrement numérique qui sera diffusable via satellite ou "autoroute électronique".

Bétamax
Le Bétamax est la norme que Sony avait définie pour les magnétoscopes. Suivant sa philosophie de l'innovation, Sony a préféré lancer son propre standard techniquement plus performant, plutôt que de suivre la tendance de l'époque qui était au VHS. Cette autre norme défendue par le géant japonais Matsushita via sa marque JVC a rallié beaucoup de constructeurs d'électronique grand public. De ce fait, la plupart des ménages ont été équipés en VHS, ce qui favorisait en outre l'échange de cassettes avec des amis. Par ailleurs les titres en cassettes vidéo (pour la location ou la vente) étaient plus nombreux en VHS, ce qui a conduit les clubs de location a faire le choix de ce standard (ils avaient alors le choix entre VHS, Bétamax et le V2000 de Philips).

Le marché s'est donc progressivement développé au profit du VHS, le Bétamax restant une norme professionnelle avec les caméras Bétacam, et le V2000 ayant été abandonné.

La cassette DCC contre le Mini-Disc
Sony a appris de cet échec du Bétamax et s'est depuis diversifié dans l'Entertainment avec notamment le rachat des studios Columbia-Tri Star, et de la maison de disque CBS devenue Sony Music.

Ceci leur a permis de soutenir le lancement du Mini-Disc en concurrence avec la DCC de Philips (lié avec la maison de disque Polygram). Même si aucun standard n'a pour l'instant pris le dessus on peut raisonnablement penser que le Mini-Disc serait mort né s'il n'avait bénéficié du catalogue de Sony Music.

Il ne fait donc plus de doute que l'offre Hard est liée avec l'offre Soft -la richesse de l'offre Soft conditionnant la plupart du temps le succès d'une innovation technologique.

Des perspectives de développement interdépendantes

On peut penser que les perpectives de croissance et de développement d'un marché passent par une politique concertée de l'offre entre le Soft et le Hard.

Par la suite nous allons étudier l'exemple du CD-Rom.

La technologie du CD-Rom est relativement âgée, mais pendant longtemps le marché a stagné. L'offre en CD-Rom, tant au niveau des lecteurs que des titres) était réduite, chère et très spécialisée (typographies pour les maquettistes P.A.O., banque d'images, bases de données comme le Kompass, etc.).

Le CD-Rom était donc un outil généralement peu convivial et réservé à une catégorie de professionnels.

Ces derniers mois, la technologie du CD-Rom s'est démocratisée avec une baisse des prix, et un équipement en série sur la plupart des ordinateurs dits "multimédia" destinés au grand public. Dans le même temps, l'offre en CD-Rom s'est considérablement enrichie, avec des titres destinés au grand public : Jeux, applications éducatives interactives, apprentissage des langues, encyclopédies, et les CD érotiques interactifs !

Est-ce l'offre en titres CD-Rom qui a poussé les consommateurs à s'équiper en lecteur, ou est-ce un seuil d'équipement suffisant qui a permis le développement de nombreux titres ?

Si cette question paraît aussi ridicule que de se demander si à l'origine, c'est l'oeuf qui a fait la poule ou le contraire, elle permet de bien mettre en valeur le principe de fonctionnement de ces marchés.

Les marchés du Multimédia sont régis par une stratégie marketing de l'offre ou "Push Marketing". En effet, la révolution culturelle et le bouleversement des habitudes qui les accompagne est tel, que le consommateur ne se sent à priori pas intéressé -car il ne parvient pas à mettre en adéquation son besoin et les possibilités que lui offrent ce nouveau matériel.

De plus, les produits innovants sont parfois mal achevés et peu conviviaux dans leur utilisation.

Pour toucher un marché de masse le Multimédia doit appliquer une politique de l'offre globale et achevée, en proposant dès le départ des produits Hard aux performances intéressantes, des procédés conviviaux d'utilisation et une richesse titres Soft suffisante.

Le Soft et le Hard sont donc complètement interdépendants et le succès global de leur marché repose sur une offre concertée entre ces deux catégories de produits.

Une politique Qualité-Prix

Cette concertation doit aller jusqu'à la définition commune d'un niveau de prix. Un positionnement trop élitiste du Hard comme du Soft limiterait en effet le marché à une catégorie d'individus trop réduite, en misant pour sa rentabilité sur un seuil de marge élevé plutôt que sur le nombre.

Mais le Multimédia veut devenir un marché de masse et la concurrence sur ce secteur promet d'être difficile, étant donné les enjeux stratégiques et la compétition entre les grandes alliances que l'on voit naître actuellement. Ainsi, le Multimédia s'affirme comme un marché particulièrement exigeant puisqu'il implique l'application d'une stratégie de différenciation par la qualité, qui est considérée comme intrinsèque, la richesse de l'offre en services (Soft) et le prix.

Cette stratégie consiste à définir la part de marché que l'on souhaite atteindre, l'objectif prix pour atteindre cette PdM, et d'adapter ensuite les coûts en misant au maximum sur les effets d'expérience actuels et à venir.

Dans le Multimédia, ceci consistera à d'abord relier sur les autoroutes électroniques un maximum de personnes, en leur offrant un service Soft de base, ceci pour un prix le plus bas possible. Le but étant de miser la rentabilité de cet investissement de base, sur la position monopolistique que l'on aura dans l'offre de Soft ou de produits Hard(TVHD, ordinateurs, magnétoscopes du futur) à terme sur notre marché captif.

Ainsi, le Hard et le Soft sont deux secteurs très liés au point d'exiger une offre globale, le succès de l'un conditionnant celui de l'autre. Ceci explique tous les mouvements d'ententes ou d'alliances actuels.

Au départ, on peut donc penser que l'offre Soft devra être suffisamment riche pour intéresser le grand public à se connecter. Elle se développera ensuite continuellement avec le développement de services On line multiples, très rémunérateurs, et faisant largement appel à l'innovation.

L'offre Hard en connexions sur les autoroutes électroniques passe par une taille critique minimum en deçà de laquelle toute rentabilité est impossible. Elle se développe ensuite très rapidement dans les villes jusqu'au seuil d'équipement puis se tourne vers les régions les plus retirées.

III - B - 2 - Les synergies de portefeuille de compétences

Nous avons vu précédemment que les différents acteurs de ce nouveau marché possédaient des compétences propres qui lui permettaient de prétendre jouer un rôle décisif dans l'avènement du Multimédia.

- "l'Entertainment" et plus généralement tout le Soft (Jeux, Edutainment, etc.) possède la maîtrise des contenus et de la force créatrice.

- Les éditeurs de logiciels (Microsoft essentiellement) s'apprêtent à proposer des logiciels de navigation, mais pensent aussi se diversifier dans les activités On line.

- Les fabricants d'informatique ont développé les premiers outils capables de traiter du multimédia (images et sons numérisés). Sillicon Graphics travaille aussi au développement de serveurs de films numérisés capables de diffuser un même film ou plusieurs centaines de films à des milliers de personnes avec de légers temps de décalage.

- Les diffuseurs sont les cablo-opérateurs, spécialistes des réseaux "One Way" à haut débit et les entreprises des télécoms maîtrisant les réseaux "Two Ways" sur les faibles débits.

- l'Électronique grand public se tient pour l'instant à l'écart de ces batailles stratégiques et financières et attend la définition de standards de diffusion numériques afin d'y adapter des produits bruns de haute qualité (TVHD, etc.)

Face à ces compétences complémentaires, on remarque que les différents acteurs ont aussi des besoins complémentaires.

- Les Télécoms dégagent de forts Cash Flows sans pour autant avoir d'activité à fort potentiel de croissance à financer.

- Les industries du Soft (navigation et contenu) ont encore des taux de croissance élevés et des marges élevées.

Mais les secteurs traditionnels de "multimédia" (TV - Presse - Radio) connaissent des difficultés en raison de la baisse des investissements publicitaires qui constituaient leur principale source de revenus.

- L'informatique et l'électronique grand public étant devenus des marchés d'équipement bas de gamme pour l'un et de renouvellement pour l'autre, on assiste à une guerre des prix qui lamine les marges.

On dressera une matrice inspirée du BCG'60 :

Ainsi, lorsque on analyse les portefeuilles de compétences des différents acteurs, on se rend compte qu'ils ne sont individuellement absolument pas équilibrés. En revanche le portefeuille d'un grand groupe ou d'une alliance Multimédia devient parfaitement équilibré.

Les Télécoms compte tenu de leurs excédents de Cash Flows et de leurs importantes réserves financières sont la Vache à Lait qui doit servir à financer le développement des infrastructures (Réseaux en fibre optique, satellites, serveurs informatiques de films, commutateurs).

Les autres secteurs profitent de ce nouveau marché où l'interactivité offre de nouvelles potentialités.

Les Stars -industries du contenu- confortent leur position, alors que les Cablo-Opérateurs viennent les rejoindre (le marché devenant plus large et l'investissement étant partagé, leur activité est plus rentable).

Les secteurs actuellement en difficultés qui se placent comme des poids-morts, deviendraient des activités dilemmes, car leur marché serait entièrement transformé.

L'informatique retrouverait un potentiel de croissance, avec des ordinateurs de grande puissance véritablement Multimédia : capables de traiter des séquences vidéo numérisées par exemple.

L'électronique grand public profiterait de la technologie du numérique pour développer de nouveaux produits Hi-Tech comme la TVHD, ce qui plongerait le marché de nouveau dans une phase d'équipement.

La publicité enfin permettrait de pouvoir cibler très précisément le profil de téléspectateur que l'on souhaite toucher.

Ainsi, il existe bien une synergie de portefeuille entre les différents acteurs du multimédia, certains finançant le développement alors que d'autres garantissent un retour sur investissement à terme.

III - B - 3 - Logique d'intégration des différents acteurs

Les phénomènes de synergie entre les différents acteurs du Multimédia conduisent à une nécessaire intégration au sein de grands groupes ou de grandes alliances allant du Soft au domaine de l'électronique en général et en passant par les diffuseurs. Cette intégration est telle que l'on pourrait parler d'une véritable filière stratégique, se définissant par la recherche d'une taille critique et la nécessité de maîtriser une offre sophistiquée et complexe associant des compétences diverses.

Si cette intégration s'est souvent manifestée par des fusions acquisitions ou prises de participation à grands frais, ce n'est à présent plus véritablement le cas, et les sociétés du secteur recherchent plutôt des alliances ou des accords de coopération afin d'éviter de détourner les réserves financières vers la spéculation boursière plutôt que sur l'investissement productif.

Plutôt que de citer toutes les manoeuvres récentes -un livre n'y suffirait pas- nous allons prendre l'exemple du "Trial" (expérimentation) grandeur nature d'Orlando en Floride-USA. Cette essai consiste à relier 4000 personnes à un réseau "Two Ways" en fibre optique afin de leur proposer une version expérimentale des autoroutes électroniques (avec TV pay per view, Jeux-interactifs, Téléachat interactif, services on line divers, etc.). Les partenaires associés sur ce vaste projet sont Time-Warner (premier groupe multi-médias américain), AT&T et US West (1er et 6ème groupes de Télécommunications US), Scientific Atlanta, Toshiba et Sillicon Graphics (pour les ordinateurs serveurs). En plus d'une manoeuvre d'intimidation stratégique, c'est le moyen de vérifier quels sont les goûts du consommateur, les problèmes techniques à régler (surtout au niveau de l'ordinateur serveur et des systèmes de commutation et de diffusion ATM), et les problèmes internes liés aux relations d'alliance.

L'importance de l'intégration au sein d'une filière stratégique se retrouve aussi au niveau du paiement des connexions. Quel sera le mode de rémunération ? Comment répartir intelligemment et équitablement les bénéfices retirés de cette activité ? Il est probable que comme pour le Minitel français, la rémunération fera appel à un forfait dans lequel seront inclus des services de base (E-mail par exemple) puis un paiement à la connexion pour les services plus sophistiqués.

Certains services pourront prendre en charge la connexion de leurs clients comme les numéros verts actuels, de façon à favoriser les connexions (on imagine assez difficilement payer -sa connexion- pour entrer dans un supermarché virtuel où l'on vient faire ses courses).

Fragilité et risques de ces intégrations

On remarquera que l'intégration des différents acteurs présente des risques majeurs.

On pourra citer les risques de chevauchement des activités de certains acteurs.

Déjà, ceci se manifeste avec la polémique existant entre les cablo-opérateurs et les entreprises de Télécom. Les cablo-opérateurs réclament le droit de venir jouer un rôle dans les Télécoms, alors que les Télécoms aimeraient se placer sur des marchés en croissance de la diffusion de films par câble -chacun de ces marchés étant pour l'instant réglementairement contrôlé par l'État sous forme de concessions. Ce problème a d'ailleurs été posé dès 1992 par l'OCDE dans l'une de ses revue Politique d'information, d'informatique et des communications No28 : "La question consiste à se demander s'il vaut mieux maintenir la séparation traditionnelle entre les entreprises téléphoniques et les sociétés du câble ou encourager une réorganisation structurelle qui pourrait conduire entre autre à la propriété conjointe de ces deux sociétés ou à l'apparition de réseaux mixtes fournissant les deux types de services".

A plus long terme, on peut craindre un affrontement entre l'ordinateur et la télévision; la convergence Multimédia les conduisant tous deux à devenir les terminaux des autoroutes électroniques. Certains pensent qu'il faut réserver l'ordinateur aux utilisations d'apprentissage et d'éducation, et laisser à la télévision tout ce qui a trait à "l'Entertainment" et aux activités de distraction. Cependant une telle séparation paraît bien artificielle et peu durable : à quand les ordinateurs Sony et les télévisions IBM ou RasterOps ?

Par ailleurs, on peut craindre l'apparition d'autres types de conflits, liés à l'évolution de l'importance du rôle des acteurs. En effet, pour l'instant la priorité est à l'investissement en infrastructures avec la mise en place d'un réseau en fibre optique. Cette possibilité de connexion s'accompagne nécessairement d'une offre en logiciels d'utilisation indispensables pour la navigation, et d'une offre minimum en services qui comprend les films, le sport, les informations "à la demande", les jeux-vidéos interactifs et le téléachat avec les supermarchés virtuels. A terme, les utilisateurs étant pour la plupart reliés, le facteur clé de succès d'un grand groupe du secteur ne sera plus la course au gigantisme du nombre de personnes connectées, mais plutôt la pluralité et la créativité des services à valeur ajoutée proposés.

Le rôle des autoroutes de l'information quittera les mains des Télécoms et cablo-opérateurs qui les ont financées pour tomber dans celle des prestataires de services.

Les Télécoms et les cablo-opérateurs, qui vont financer les infrastructures, vont donc perdre leur importance stratégique dans les grands groupes Multimédia au profit des prestataires de services. Ceci nous permet de craindre l'apparition de conflits de pouvoir à moyen / long terme, lorsque les sociétés du Soft exigeront un renversement du pouvoir décisionnel du groupe à leur profit.

Une intégration réussie des différents secteurs doit donc permettre de répartir équitablement le pouvoir de décision et la rémunération des acteurs, suivant leur participation à l'investissement de départ et à l'essor du réseau, ainsi qu'en fonction de l'évolution de l'intérêt stratégique de leur secteur. Une mauvaise entente interne risquerait de conduire à une politique de rémunération incohérente et donc à un coût de connexion ou d'achat de services Soft trop cher, qui mettrait en péril toute l'alliance.

III - B - Conclusion

Ce formidable mouvement d'intégration, qui crée une véritable filière stratégique Multimédia, permettra l'avènement du marché du Multimédia Interactif grâce à des possibilités accrues de financement des infrastructures, et à la mise sur le marché d'une offre globale Soft et Hard.

Cependant, la formation de tels groupes Multimédia fait appel à des alliances complexes et relève d'une importance stratégique à l'échelle d'une nation toute entière. Les États sont donc nécessairement appelés à y jouer un rôle.

III - C - Le rôle essentiel des États

L'importance stratégique du Multimédia est donc essentielle, et les États l'ont bien compris.

Ce marché est présenté par les hommes politiques comme la nouvelle révolution technologique qui va permettre un retour de la croissance, la fin de la crise, une baisse du chômage et un accès à la connaissance pour tous. En résumé, ce serait un véritable Eldorado susceptible de convertir toute la population -y compris les plus réfractaires à ce type de progrès- à l'utilisation de l'informatique et des réseaux (sous leur forme actuelle, ou dans une adaptation conviviale pour le grand public). Au delà de l'aspect démagogique de ces discours, c'est le moyen de justifier d'une politique volontaire dans ce domaine afin de compter parmi les grands acteurs de ce marché dans les années à venir.

III - C - 1 - L'État et son rôle de stimulation

Pour chacun des États, le but est d'assurer aux entreprises nationales une place sur le marché -sans quoi elles en disparaîtront inévitablement.

Adapter la législation

Les moyens mis en oeuvre sont de type législatif afin de favoriser les alliances et les synergies de compétence. Le problème posé concerne essentiellement les lois Anti-Trust qui existent aux États-Unis ou dans l'Union Européenne. Ces lois devront en effet être assouplies afin de permettre la création de groupes géants sans lesquels l'investissement de départ sera impossible.

Les aspects législatifs comprennent aussi des problèmes liés à la rémunération: on prendra l'exemple du blocage de la hausse des prix des connections au câble aux États-Unis qui a causé de graves difficultés aux cablo-opérateurs.

Cet aspect de la rémunération influe directement sur le prix de l'offre de service et donc sur le nombre de personnes prêtent à se connecter. L'État en fixant des limites strictes de prix peut donc espérer éviter une dérive élitiste des prix et conduire le multimédia vers un marché de masse dès le départ.

Enfin, la législation pourra intervenir en limitant le rôle de certains acteurs afin d'éviter les risques de chevauchement -comme pour l'instant avec la coexistence des cablo-opérateurs et des entreprises de télécom.

Le rôle des entreprises nationales ou à forte influence de l'État

Le développement du marché pourra aussi se faire grâce au contrôle de l'État sur certains marchés comme les Télécoms -avec de nombreuses sociétés nationalisées, ou anciennement nationalisées et où l'État à conservé une forte influence. L'État décide ainsi des priorités à accorder à l'investissement pour la recherche ou le développement des réseaux. Il favorise aussi le développement des connexions (et l'essor du marché) en équipant les organismes publics ou semi-publics comme les centres universitaires, les centres de recherche, les hôpitaux, etc.

L'investissement direct

Le développement des infrastructures en fibre optique nécessite un investissement colossal : le chiffre de $ 200 Mds à $ 300 Mds est habituellement cité pour un pays comme les États-Unis. Les entreprises des Télécoms déclarent ne pouvoir investir qu'un maximum de $ 150 Mds sur 10 ans. Ainsi, sur l'investissement de base, il y a déjà une insuffisance importante que les autres acteurs ne sont pas en mesure de combler; d'autant plus que leurs difficultés actuelles ne leur permettent pas d'investir avec un ROI (Return on Investment) long.

Ainsi, comme pour chaque innovation majeure qui a nécessité des investissements importants -comme la mise en place des réseaux de chemin de fer, la construction des réseaux électriques ou de téléphone- l'État va jouer un rôle essentiel en finançant une partie de cet investissement que les entreprises privées ne peuvent pas prendre en charge en totalité.

Le meilleur exemple de cette stratégie volontariste de l'État est les États-Unis avec le développement du réseau Internet dès 1969, et à l'initiative du Pentagone. Ce réseau a été soutenu depuis 1980 par la National Science Fondation, qui représente les scientifiques. La preuve de l'intérêt de ce réseau est aussi donnée par le président des États-Unis lui même, puisqu'il est possible de lui envoyer des "E-mail". Enfin, un des thèmes de sa campagne, plus particulièrement développé par le Vice-Président Al Gore, concerne le développement des autoroutes de l'information.

Le rôle d'un État est donc dans un premier temps d'appliquer une stratégie volontariste afin de s'inscrire dans ce mouvement de course vers le grand marché du Multimédia et des autoroutes électroniques. Tout État qui ne s'y sera pas préparé risque de perdre sa place sur le marché du Multimédia.

III - C - 2 - Une protection du marché national

En plus de ce rôle de stimulation des entreprises nationales pour se placer sur ce secteur, l'État cherche de la même façon à écarter la concurrence étrangère de son marché national.

Définition de normes

Les moyens de bloquer l'accès à un marché sont multiples et variés. Ils peuvent se présenter sous la forme de la défense de normes de diffusion nationale qui bloquent ou qui gênent la présence de groupes étrangers.

On pourra de nouveau citer l'exemple du système MUSE dont la deuxième raison de l'échec est liée à l'annonce par les pays Européens et les États-Unis du développement de leurs propres standards de TVHD.

On pourra encore citer :

- les différentes normes PAL, SECAM, ou NTSC pour magnétoscopes ou téléviseurs;

- le clavier AZERTY seulement utilisé en France et en Belgique - le reste du monde travaillant sur des claviers QWERTY;

- les différentes qualités de distribution de l'électricité : 220 Volts 50 Hz en France, 110 Volts, 60 Hz aux États-Unis.

- Etc.

Le marché du Multimédia, compte tenu de la complexité de son offre, offrira de nombreuses possibilités de normes, ce qui rend l'offre globale plus compliquée, et qui donne un léger avantage aux acteurs nationaux.

Maintenir une législation floue

Si l'on souhaite éviter de se faire envahir par la concurrence étrangère, on peut laisser planer un doute quant à la législation. Le Japon par exemple possède encore un faible taux d'équipement particulier en ordinateur, très peu de personnes possédant un modem et encore moins reliées à un service On line. Le développement des autoroutes électroniques paraît donc difficile pour l'instant, car le grand public ne semble pas prêt. Les entreprises japonaises risquent donc de prendre du retard et de laisser les entreprises américaines (riches de leurs effets d'expérience à domicile) dominer leur marché local.

L'État japonais s'applique donc à conserver un certain flou quant à la défense des droits d'auteur -ce qui "refroidit" quelque peu les éditeurs de titres CD-Rom par exemple.

Ainsi, par le biais de la législation, l'État peut accorder en quelque sorte un "moratoire" à ses entreprises afin qu'elles puissent se hisser au niveau de compétitivité des entreprises étrangères.

Les risques d'un État trop protecteur

Si le rôle protecteur de l'État peut être bénéfique dans une certaine mesure, il doit aussi savoir s'autolimiter. En effet, comme dans tous les secteurs où des entreprises ont pu évoluer dans des environnements avec une concurrence artificiellement limitée, elles en ont ensuite très lourdement souffert du fait d'un manque de compétitivité sur le plan international. De plus, le marché du Multimédia est lié à des technologies qui évoluent sans cesse, et toute entreprise qui relâchera son effort d'innovation, prendra un retard irrémédiable.

Une politique de protection de son marché ne doit donc être appliquée que de façon temporaire ceci afin de laisser ses entreprises acquérir les compétences de base. Mais à terme, c'est seulement dans un cadre de lutte concurrentielle que les entreprises pourront maintenir leur effort d'innovation, qui conditionne leur compétitivité.

III - C - 3 - Pour un développement "social" du Multimédia

Comme nous l'avons déjà remarqué, le Multimédia comporte un risque social très important : celui de créer une société duale entre ceux qui sont connectés et qui ont l'accès à la connaissance et ceux qui ne sont pas connectés. Cette dualité se retrouvera entre les États (les plus riches et les plus pauvres), et à l'intérieur de chaque État (certaines personnes ne voulant pas se connecter par refus de la modernité, ou ne pouvant pas pour des raisons financières).

Le monde des réseaux apporte l'avantage énorme de permettre l'information rapide; et dans une société qui s'accélère, les personnes non connectées recevront toujours une information périmée.

Ainsi l'État doit être le garant d'un accès possible pour tous - le Multimédia n'étant par ailleurs viable que s'il devient un marché de masse. L'État pourrait par exemple exiger des diffuseurs un service minimum obligatoire pour toute personne souhaitant se connecter (ce service pourrait être le E-mail et l'accès à certaines bases de données comme l'annuaire, etc.). Cette exigence serait d'autant plus facile à faire accepter que l'État finançant une partie des infrastructures aura forcement son mot à dire.

III - C - Conclusion

L'État possède donc un rôle essentiel dans le développement du secteur du Multimédia, et ceci à plusieurs niveaux : législation, réglementation, financement, ou traitement social.

Cette implication de l'État liée à une richesse en acteurs, plus ou moins importante suivant les pays a déjà conduit à des stades de développement disparates.

III - D - Seuil de développement Multimédia des principaux pays

Dans cette partie, nous considérerons principalement les États-Unis, l'Europe et le Japon.

III - D - 1- Les États-Unis

A tout seigneur, tout honneur, commençons par le pays qui peut être actuellement considéré comme le leader du Multimédia : les États-Unis.

Les réseaux, toute une Culture...

Ce pays a cultivé depuis longtemps une culture de l'image et de l'informatique. C'est le leader mondial pour le taux d'équipement en informatique avec 28,1 ordinateurs pour 100 personnes en 1993 alors que le taux est de 9,6% en Europe et de 7,8% au Japon (et les États-Unis prévoient un taux de 70% pour l'an 2000). Le temps moyen passé devant la télévision y est le plus élevé du monde allant de 6 à 9 heures par jour en moyenne. Ils sont aussi très en avance pour le raccordement à une TV câblée 55,4% US, 14,8% Europe, 13,3% Japon, ainsi que pour les réseaux informatiques 52% des PC américains sont reliés à un réseau contre seulement 8,6% au Japon.

Cette culture réseau se retrouve avec le réseau Internet qui est aussi populaire aux États-Unis que peut l'être le Minitel en France. Tout étudiant, presque toute société d'importance, beaucoup de possesseurs de modem (passant par des BBS locaux offrant une passerelle Internet) y sont connectés et peuvent être contactés par "E-mail" (courrier électronique).

Des entreprises leader

Les États-Unis possèdent des entreprises de taille véritablement géante dans tous les secteurs d'activité concernés : allant de la téléphonie avec AT&T par exemple, aux majors hollywoodiennes du cinéma contrôlant la plupart des contenus de la planète, en passant par les logiciels avec Microsoft, ou les ordinateurs comme IBM, Apple, Sillicon Graphics...

La puissance de ces entreprises se retrouve dans l'importance des alliances ou des prises de participation qui ont eu lieu, et qui agitent toujours le secteur.

Nous pouvons citer à titre d'exemples South-Western Bell et Hauser Communications dans la télévision câblée; Time Warner, TCI et Sega dans les jeux vidéo interactifs sur réseaux câblés; AT&T, Apple et NTT dans les ordinateurs multimédias; Viacom et Blockbuster dans les films vidéo; NTT, TCI et Microsoft dans les logiciels pour la télévision interactive, etc.

Ces alliances permettent de lancer des opérations test grandeur nature comme l'expérience d'Orlando-Floride : ce sont les TRIALS.

Perspectives

On affirme que le marché américain naîtra le premier compte tenu de l'avance qu'il détient déjà dans tous les secteurs qui constitueront le Multimédia.

Leur marché leur est donc réservé, et ils comptent reprendre l'avantage à terme sur les marchés étrangers. Ainsi, on peut craindre une prochaine hégémonie des acteurs américains qui coloniseront le monde entier avec leur produits Soft ou Hard, imposant leur culture à tous les niveaux, grâce à des effets d'expérience qui seront acquis avant tout le monde.

III - D - 2 - L'Europe, une difficile unité

Le Livre Blanc de la communauté européenne de décembre 1993, intitulé : "Croissance, compétitivité, emploi : les défis et les pistes pour entrer dans le XXIème siècle"; est en partie consacré aux autoroutes de l'information.

Ce livre Blanc s'articule autour de trois axes principaux :

- Prolongation des réseaux nationaux à haut débit vers une infrastructure européenne, notamment celle des réseaux numériques à intégration de services.

- Développement de services vidéo à la carte, de banques de données (scientifiques, administratives, etc.) et d'une messagerie électronique supportant les transmissions de "gros" documents.

- Encouragement des services à distance dans les domaines du télétravail, de la télémédecine, de la téléadministration et de la téléformation.

Un manque d'unité

Cependant, le principal problème reste le manque d'unité au sein de l'Europe. Les déréglementations sont très difficiles à mettre en oeuvre étant donné que l'on se heurte à des lois nationales diverses, et à la situation quasi-monopolistique des entreprises des Télécoms dans leurs pays respectifs : France Télécom, Deutsche Telekom, British Telecom. Ces entreprises étant depuis toujours dans cette position favorable, elles ne veulent pas la remettre en cause et les accords sont difficiles : comme celui qui lie France Télécom et Deutsche Telekom, ou la stratégie individualiste de British Telecom qui a jugé préférable de se tourner vers les États-Unis.

Martin Bangemann, vice-président de la commission chargée des affaires industrielles de l'Europe des Douzes, a été nommé à la tête d'un groupe de dix-sept dirigeants d'entreprise de la communication pour préparer un rapport sur la libéralisation totale des télécommunications. Il propose : "d'accélérer le rythme de la libéralisation, notamment en ouvrant à la concurrence les infrastructures et les services encore sous monopole" (Journal du téléphone No37). Le rapport Bangemann estime nécessaire de fixer des règles européennes communes dans les normes, la tarification, les droits d'auteur et de propriété intellectuelle, la confidentialité des données, la protection des utilisateurs et enfin la garantie du pluralisme et de la libre concurrence.

Ainsi, les autorités de l'Union Européenne semblent vouloir s'orienter vers une déréglementation du secteur des télécommunications. Cependant cette déréglementation ne pourra se faire que lentement, et le parlement européen en a bloqué le processus précoce lors du vote du 19 juillet 1994.

Zoom sur la France

Le secteur des télécommunications est en situation monopolistique avec France Télécom. Les tarifs de télécommunications sont élevés à tous les niveaux : appels locaux, éloignés nationaux, internationaux. De plus, la France n'a pas une culture informatique très poussée comme aux États-Unis, car pendant longtemps l'ordinateur y a été en quelque sorte diabolisé. Ceci a été un frein au développement des connexions par modem sur des serveurs, et donc au développement du marché des communications informatiques : faible taux d'équipement en modems, très peu de BBS (Bulletin Board Service), peu de connexions Internet.

Mais les Français ne doivent pas pour autant être considérés comme des retardés de l'interactivité sur réseau. En effet, le Minitel malgré sa configuration très basique et sa convivialité douteuse a connu un véritable succès : 23 000 services, FF 6,7 Mds de CA en augmentation de 15,5% par rapport à 1992. A titre de comparaison, CompuServe le réseau commercial Américain présent dans le monde entier, ne propose "que" 2000 services et réalise FF 2 Mds de CA. Le Minitel a donc permis l'accès à des services On line à une large population. Cependant, il souffre beaucoup de performances très inférieures aux micro-ordinateurs, et ne peut pas traiter des fichiers image. France Télécom est en train de remédier à ce problème avec un nouveau Minitel TVR plus rapide.

Par ailleurs, la France est très en retard quant au développement de la télévision câblée : 5,4 millions de personnes reliées en 10 ans pour seulement 1,4 millions qui se sont effectivement abonnées. En fait, on s'est préoccupé plus de l'infrastructure que du service et des contenus. Les abonnements sont très chers compte tenu de la pauvreté des programmes. A contrario, Canal + qui a joué une démarche qualité connaît un très grand succès ... faisant, par là même, très certainement concurrence au câble.

NB: Nous préciserons enfin que le Crédit Lyonnais est devenu propriétaire (un peu malgré lui) d'un Studio Hollywoodien, à savoir la MGM (Metro Goldwyn Mayer) dont il devra se séparer avant 1997. Par "préférence nationale" -et très certainement par influence directe de l'État, la MGM serait susceptible d'être cédée à Havas, ou Hachette.

III - D - 3 - Le Japon, un futur acteur majeur ?

Comme nous l'avons déjà précisé, le Japon est très en retard sur les États-Unis en ce qui concerne l'équipement en ordinateurs, et la dimension culturelle qui l'accompagne.

De plus, les entreprises de télécommunications n'ont pas une puissance suffisante pour s'imposer au sein de groupes Multimédia, et permettre l'investissement productif. Ainsi, on pourrait penser que le Japon n'est pas prêt pour sa révolution Multimédia -le meilleur exemple étant constitué par le doute volontaire que l'État émet sur les droits d'auteur, ceci afin de calmer les ardeurs de la concurrence étrangère.

Pourtant, le pays devrait très vite s'adapter aux exigences de ce nouveau marché, étant donné l'intérêt naturel de tout japonais pour ce qui est nouveau : cette culture du gadget pourrait soutenir un taux de croissance interne très élevé.

Mais les atouts des japonais sont aussi ailleurs, avec les compétences stratégiques très poussées vers le Multimédia. La stratégie asiatique accepte sans problème de se baser sur des ROI plus longs, et intègre parfaitement cette notion d'approche Qualité, Richesse Soft et prix minimum -ce dernier étant calculé sur un objectif reposant sur une base large, alors que les entreprises occidentales ont plutôt tendance à miser leur rentabilité sur une base minimum d'acheteurs potentiels pionniers.

De plus, il paraît bien plus naturel à un asiatique de raisonner en portefeuille de compétence, certaines activités finançant les autres dans leur phase de "Dilemme"; alors qu'un européen ou un américain rechercheront la rentabilité immédiate.

Enfin, même si le Japon est traditionnellement absent d'une partie de ce secteur comme les logiciels, les ordinateurs, le contenu, il possède une très puissante industrie de l'Électronique grand public (Sony, Matsushita, etc.) qui a déjà pris le contrôle de géants hollywoodiens (Columbia-TriStar, Universal).

Le Japon jouera donc lui aussi son rôle dans le Multimédia, grâce à ses compétences de management plus que par sa technique.

CONCLUSION

Le Multimédia : La panacée du

XXIème siècle ?

Les défenseurs du progrès social par le progrès technique fêtent l'avènement du multimédia. Le multimédia est comparé au progrès de chemin de fer ou de l'electricité. Les autoroutes de l'information foint office de voies ferrées, et l'information qui y transite remplace les biens et les marchandises. Les promoteurs de multimédia soutiennent que les nouvelles technologies sont un remède à la crise économique et une solution aux inégalités socio-culturelles. Aujourd'hui, l'ensemble des télécommunications, de l'informatique et de l'audiovisuel ne représente que 5,5% du PIB européen. Atteindra t-il 10% en l'an 2000? c'est à dire dans moins de 5 ans maintenant?

Le discours politique parle d'accès à l'information par tous, grâce à la fibre optique dans tous les foyers. Aucune information sérieuse ne parle du financement des infrastructures. Et encore moins des coûts des services proposés. D'où viendra l'argent des investissements? et à qui s'adresseront en premier lieu les informations en ligne? Au lieu de parler d'accès généralisé à l'information, ne serait-il pas plus judicieux de parler d'accès hierarchisé par le pouvoir d'achat de l'utilisateur? Le multimédia a au moins un mérite, celui de reformuler un question déjà --malheureusement-- ancienne : celui de l'agrravation des déséquilibres économiques Nord-Sud.

SOURCES

Djamel Khamès, Éditions du Téléphone.
"Le Multimédia, du CD ROM aux autoroutes de l'information"

Daniel Ichbiah, Arnaud de la Pommeraye, Stéphane Larcher, Éditions Dunod.
"Planète multimédia, Regardez, vous y êtes déjà !"

Tracy LaQuey, Editions Addison-Wesley.
"Sésame pour Internet, initiation au réseau planétaire"

Futurible No191 - octobre 1994 : "Les enjeux du multimédia : dynamique de l'offre technologique, enjeux socio-économiques".

Dossier Eurostaf (Europe Stratégie Analyse Financière).
Collection analyse de secteurs (troisième trimestre 1994).
"Le Multimédia : convergences stratégiques face aux enjeux des médias interactifs".

Problèmes politiques et sociaux.
Dossier d'Actualité mondiale No 740 du 2 décembre 1994.

Libération, le Magazine du 14 janvier 1995.
"J'ai traqué la taupe d'Internet".

Le Monde de l'Éducation No 220 de novembre 1994.
"Les méthodes d'enseignement du futur : Multimédia, logiciels, CD-Rom..."

Informatiques magazine No 3 février 1995.
"La messagerie décolle".

CB NEWS Communication No 344 du 18 avril 1994.
"Autoroutes de l'information".

Revues informatiques spécialisées :
Univers Mac, SVM Mac, SVM, Golden, etc.

Le Figaro No 15694 du jeudi 2 février 1995 - cahier Littéraire.
"Le livre est-il menacé ?" (... par le CD-Rom)

Le Figaro Economie No 15715 du Lundi 27 février 1995
"Multimédia : des métiers en gestation"

Conversation sur IRC à propos de la sécurité des réseaux, avec la responsable de la veille technologique à la MassMutual Life Insurance, USA (Cette personne préfère garder l'anonymat).